Standing in the Shadows of Motown : La part de l’ombre
Dans un magasin de disques, des acheteurs médusés tentent de répondre au regard inquisiteur du cinéaste Paul Justman. "Bien sûr que je connais Marvin Gaye (ou, selon le client, les Supremes, Stevie Wonder, les 4 Tops ou les Temptations)."
Dans un magasin de disques, des acheteurs médusés tentent de répondre au regard inquisiteur du cinéaste Paul Justman. "Bien sûr que je connais Marvin Gaye (ou, selon le client, les Supremes, Stevie Wonder, les 4 Tops ou les Temptations)."
"Vous connaissez les musiciens qui jouaient sur leurs hits?" "Heuuu…"
Ainsi commence Standing in the Shadows of Motown, documentaire retraçant l’histoire des Funk Brothers, le plus injustement méconnu des groupes de l’histoire récente de la musique pop. Adaptation filmique du livre du même titre, Standing in the Shadows… décortique, avec force détails et quelques amusantes reconstitutions dramatiques, le travail de l’ombre effectué par les musiciens de studio à l’origine des merveilles de r’n’b, de soul et de funk issues de l’étiquette Motown de 1959 à 1970. Abdiquant presque l’idée d’un regard personnel sur le sujet, Justman laisse aux Funk Brothers eux-mêmes le soin de raconter leur histoire avec finesse et humour. L’approche discrète privilégiée par le réalisateur pourrait lasser, mais elle donne lieu à quelques moments de pure magie spontanée, comme cette scène d’anthologie durant laquelle le percussionniste Jack Ashford décortique, un instrument à la fois, les ingrédients de la recette magique du son de légende né dans un petit studio minable de Detroit. C’est là, au sous-sol des bureaux de Motown, que les Funk Brothers ont carrément défini le son de la musique américaine des années 60 et de tout ce qui a suivi. "À la fin de leur séjour phénoménal chez Motown, les Funk Brothers avaient joué sur plus de chansons numéro un que les Beach Boys, les Rolling Stones, Elvis et les Beatles réunis", entend-on en voix off. La formule, reprise jusqu’à plus soif dans la promo du film, a le mérite d’être vraie. L’interminable liste de chansons qui clôt le film le confirme: ces gars-là étaient les rois Midas de la pop.
On peut s’interroger sur la pertinence artistique de ce concert-réunion de l’an 2000, dont de trop nombreux et de trop longs extraits ponctuent tout le film: une demi-douzaine de Brothers survivants y soutiennent quelques chanteurs oubliables (dont Joan Osbourne, tout de même pas mal sur What Becomes of the Brokenhearted, et Chaka Khan, dont les belles années sont loin derrière, qui livre un bien morne Ain’t No Mountain High Enough en compagnie de Montell Jordan) pour des versions qui n’auront jamais le charme des originales. Mais l’interchangeabilité et l’absence générale de personnalité de ces chanteurs invités ne servent qu’à renforcer le leitmotiv du film: "The Motown sound? It was all about the musicians…"
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