Karine Vanasse : Derrière l'image
Cinéma

Karine Vanasse : Derrière l’image

Fraîche, spontanée, intelligente, désarmante et pétillante. Voilà quelques qualificatifs qu’on utilise souvent pour décrire KARINE VANASSE. Qui peut bien se cacher derrière cette charmante image?

La jeune femme d’à peine 19 ans éclate de rire: "Je pense que ces mots-là ressortent parce que je suis bien dans ce milieu-là, je me sens à l’aise d’exercer mon métier. C’est pour ça que je n’ai pas l’air traumatisée ou angoissée quand je rencontre les journalistes. Mais quand même, des petits moments d’angoisse ou de panique, on en a tous! J’espère seulement que ces qualificatifs qui me décrivent ne me joueront pas de tours dans les rôles que l’on va me proposer. J’espère qu’on va réussir à passer par-dessus l’image de la jeune fille. Avec Donalda, je m’en sors…"

Sachant qu’il n’est pas toujours évident de faire accepter que l’on vieillit aux gens du milieu artistique et au public, Karine Vanasse affirme que le rôle de Donalda Laloge arrivait à point pour casser cette image d’adolescente vive, sans pour autant le faire de façon drastique. Avec Irma la douce, comédie musicale mise en scène par Denise Filiatrault au dernier Festival Juste pour rire, elle avait déjà amorcé en douceur ce virage en plus de démontrer ses talents pour le chant et la danse. Durant les quelque quarante minutes qu’a duré l’entrevue, Karine Vanasse a fait montre d’une belle générosité. Bien accoudée sur la table, le regard franc et direct, elle écoute attentivement chaque question avant d’y répondre de façon réfléchie, mais sans jamais rien perdre de sa vivacité. En tournée de promotion pour Un homme et son péché, elle accepte de bonne grâce de faire un retour sur sa courte, mais déjà bien remplie, carrière.

Révélée en 1998 dans Emporte-moi de Léa Pool, Karine Vanasse ne se considérait pas encore comme une actrice à l’époque. Lors des Rendez-vous du cinéma québécois, Pascale Bussières, qui interprétait la mère du personnage de Karine, avait avoué qu’elle avait cru se revoir à l’époque de Sonatine de Micheline Lanctôt en voyant sa jeune partenaire évoluer à l’écran. De la part d’une actrice qui connaît du succès hors des frontières québécoises, n’était-ce pas encourageant pour la pétulante débutante? "Ça m’a pris du temps avant de m’avouer que je rêvais d’une carrière internationale, de jouer dans une autre langue. J’avais peur que l’on trouve ça prétentieux, comme si ce que je faisais ne me suffisait plus. Je n’en rêvais pas pour la popularité, mais pour les défis à relever. En me voyant à l’écran à côté de Pascale, je souhaitais que cela signifie quelque chose de jouer sa fille, que cela allait me porter chance."

Ayant déjà joué dans quelques publicités et émissions de télé, Karine, alors âgée de 14 ans, embrassait inconsciemment le métier d’actrice en passant sa première audition pour un premier rôle au cinéma. Durant le tournage d’Emporte-moi, elle a commencé aussi à animer Les Débrouillards avec Grégory Charles. "Tout s’est passé tellement vite que je n’étais pas consciente du sérieux de l’entreprise. Quand j’ai reçu le Jutra de la meilleure actrice, je me disais que l’on remet des prix à ceux qui ont une carrière derrière eux, j’ai alors pensé que si c’était ça l’apogée de ma carrière, ça ne durerait pas longtemps! Je n’étais pas blasée, mais je me disais que mon tour était passé…"

En 2000, Karine joue dans le premier long métrage de Céline Baril, Du pic au coeur, en plus d’en interpréter la chanson-thème. À 17 ans, elle était à l’âge où les aspirants comédiens se préparent pour les écoles de théâtre. Aurait-elle aimé suivre une vraie formation d’acteur? Elle assure que non parce qu’elle avait peur de perdre sa spontanéité: "À 14 ans, je n’avais pas une technique bien établie, j’y allais beaucoup par instinct. En fait, ce n’était que de l’instinct! J’avais un grand plaisir à apprendre mes scènes, j’avais hâte de voir si la magie allait opérer les fois suivantes. Malgré ça, je n’avais pas envie de faire une école de théâtre, car j’avais peur de briser quelque chose. En même temps, je me disais, si c’est si fragile que ça, ça peut partir à n’importe quel moment."

Pour parfaire son métier, Karine a eu la chance de faire de belles rencontres: "J’ai travaillé avec de bons directeurs d’acteurs, Louis Choquette (2 frères), qui est un rassembleur d’acteurs, Léa (Pool) et Charles (Binamé) qui sont très près de leurs comédiens. Avec Louis et Charles, tu peux tout donner parce que tu sais qu’ils ont senti jusqu’où tu pouvais aller et qu’ils ne dépasseront pas cette limite-là." Elle a beaucoup appris également de ses partenaires de jeu: "Pierre Lebeau m’a donné une leçon d’abandon, de force. En regardant ses mains, je me suis rendu compte à quel point il habitait Séraphin. Tu ne peux pas être plus présent que Pierre, même dans les petites scènes! Roy (Dupuis) m’a aussi enseigné l’abandon tout en étant conscient de la technique, de la lumière, des angles de caméra."

Actrice autodidacte et polyvalente, comment réagit-elle aux propos du comédien Christian Bégin ("Viens voir les "comédiens"", "Les Grandes Gueules", Voir Montréal, 7 novembre, disponible sur le site www.voir.ca)? "Pour Irma la douce, je ne me suis pas lancée là-dedans n’importe comment. Je les ai pris mes cours de chant, cinq ou six fois par semaine. Est-ce que je tournais une télé-série pendant Irma la douce? Non! Je me suis consacrée uniquement à ça. La même chose pour Un homme et son péché. J’étais même présente sur le plateau pour assister aux scènes des autres comédiens parce que je trouve que c’est important d’observer les autres travailler." Alors, pas de syndrome de l’imposteur? "Je m’investis tellement dans mes projets que je n’ai pas l’impression d’être imposteur. C’est sûr que je doute. Ce n’est pas pour rien que je pars en voyage pour vivre d’autres expériences. Si je jouais constamment avec les mêmes références, j’aurais l’impression de trahir mon métier. Là, je l’aurais le syndrome de l’imposteur! En fait, ce que j’essaie d’aiguiser est mon sens de l’observation."

C’est donc lors de ses voyages que Karine, qui revient d’un séjour d’un moi à Taiwan, apprend à se connaître, ce qui est essentiel, explique-t-elle, pour jouer, bien placer ses émotions en puisant en elle-même. Et aussi à développer ce fameux sens de l’observation. C’est d’ailleurs ainsi qu’est née sa Donalda, après avoir rencontré une jeune femme soumise à son mari et aux traditions lors d’un voyage d’études en Grèce. Sans cette rencontre, la jeune comédienne croit que son personnage n’aurait jamais été le même. Derrière la soumission de la pathétique Donalda, Karine a voulu lui donner du courage, de la force, afin qu’elle puisse être admirable.

En l’écoutant parler avec autant de passion de métier d’actrice, on se demande si jouer est vital pour la jeune femme. Pourrait-elle envisager une autre carrière? Comment voit-elle l’avenir? "Je suis ouverte, polyvalente. Je ne me vois pas du tout réalisatrice, mais ça m’intéressait beaucoup diriger des acteurs. À Vancouver, j’ai fait du théâtre avec des jeunes en difficulté d’apprentissage. Je les ai amené à exprimer des choses qu’ils ne pouvaient pas exprimer dans leur vie. À la limite, je trouvais ça aussi satisfaisant que jouer." Enfin, avec la fougue qu’on lui connaît elle lance: "Mon mot d’ordre est la polyvalence, je ne veux pas me fermer de portes, je veux qu’on me permette d’essayer des choses, d’explorer, de découvrir, je ne veux pas être catégorisée." Parions que le meilleur reste à venir pour cette jeune femme aux multiples talents.

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