La France tout court! : Petits grands films
Cinéma

La France tout court! : Petits grands films

C’est tout petit et ça veut vivre! Le court métrage nourrit moins bien son artiste que le long, mais il est toujours en santé: présentation de la crème de la crème de la production  française.

Jacques Kermabon, dont on lit les critiques dans le magazine 24 Images et qui est rédacteur en chef de Bref, excellent magazine français consacré au court métrage depuis 13 ans, a concocté avec Marie-Claude Loiselle (rédactrice de 24 Images) cinq programmes de courts métrages. À voir comme un mini-festival de petits grands films.

De par leur taille, on a l’impression que les courts métrages prennent le pouls du monde avec une acuité plus grande que le long. Branché sur le sensible, obligé à une rythmique, le court fait de l’art très collé-collé à la vie. Plus rapide, plus brusque, plus dérangeant aussi. Thèmes et tendance des courts en France? "Il y a environ 400 courts métrages pellicule qui sortent en France chaque année, précise Jacques Kermabon. Avec le magazine Bref, on peut me reprocher de ne servir qu’une certaine catégorie de courts, mais j’ai une ligne rédactionnelle qui reflète un certain cinéma que nous sommes seuls à défendre. Dans les courts français, on peut parler de fiction en majorité et d’une approche naturaliste, mais ça ne veut pas dire grand-chose." Les petites caméras changent-elles le paysage du court? "Je ne suis pas fasciné par la prolifération de la technique. La facilité de filmer au numérique ne rend pas forcément plus fécond, avance-t-il. Il y a un sentiment de libération; on a l’impression de pouvoir tout faire en numérique. Mais, comme dans l’édition, l’autonomie est un piège au cinéma: le cinéma, c’est la rencontre. La rencontre avec un monteur, par exemple, ce qui empêche de fétichiser ses plans…" Marie-Claude Loiselle et Jacques Kermabon ont décidé de montrer des films de réalisateurs connus, français et récents. Histoire d’attirer le spectateur, bien sûr, mais aussi de montrer que le court n’est pas un banc d’essai, un test obligatoire avant de passer au long. "La logique économique veut qu’un réalisateur de court aille ensuite vers le long, explique Kermabon. Mais je ne recherche pas forcément quelqu’un de prometteur. Quand je trouve un talent, j’ai envie de le défendre. Quand j’ai vu Jeux de plage, de Laurent Cantet, j’ai eu envie de le montrer." Un film pour lequel il craque, et on le comprend. Cantet a réalisé ce film avant deux longs qui sont déjà des signatures originales: Ressources humaines et L’Emploi du temps. Jeux de plage (avec Jalil Lespert de Ressources humaines) est une petite chose sous le soleil du Midi, qui brille par un sens du danger toujours en suspens. Un père ne veut pas lâcher son grand fils, il le suit partout. Le quinquagénaire est-il névrosé, jaloux ou juste nostalgique? C’est la mini-chronique d’un moment où tout bascule. Ouvre concise où l’on se sent autant en déséquilibre que ces personnages au bord des Calanques.

François Ozon (8 Femmes) a un sens précis de la mise en boîte. Pour parler de désir endormi chez un couple de gars, désir qui sera ravivé par une robe fleurie, Robe d’été est un bijou endiablé de 15 minutes. Ozon a su saisir avec finesse le mélange des genres, sans pour autant les neutraliser. Il y a là une humanité colorée à la Almodovar. Également d’Ozon: Scènes de lit (1996), où sept couples sont pris en flagrant délit d’intimité. Intimité en maître mot pour Portrait des hommes qui se branlent (7 minutes) de Vincent Ravalec où, sur des images crues, on parle de nuit et de sexe; et intimité encore plus grande dans Les Mains, de Christophe Loizillon (1996), où des personnes se racontent à travers leurs mains. Troublant et personnel que ce Je suis venue te dire, de Laetitia Masson (qui a réalisé ce court après les longs À vendre et En avoir ou pas). Lettre d’amour à une absente qu’on aime encore, images où paysages et passants ressemblent au regard de celui qui est en manque: regard qui balaye, ne s’accroche à rien, et rend la vie floue. Complainte parfois agaçante de nombrilisme, mais néanmoins cri du coeur. Yves Caumon a réalisé un film tendre et sans artifice qu’on aimerait voir en salle, Amour d’enfance, présenté cette année à Cannes. Il avait démontré son sens de l’humain et de la campagne en 1999, avec Les Filles de mon pays, saisissant en douce le passage de fille à femme.

Salam, de Souad El-Bouhati (1999): coup de coeur pour Ali, ce Marocain qui ne veut pas mourir en France mais dans son bled quitté il y a 30 ans. En exil, même dans un foyer moche, l’amitié et l’entraide ont formé un port d’attache. Il faut aussi quitter le vieux copain Momo et sa fille. C’est simple comme bonjour, mais ce deuxième exil, celui du retour, est très émouvant. Question de goût, La Voix lente de Samia Meskaldji (2000) sur les relations tendues entre une mère et son fils à Marseille laisse sur sa faim. Même duo, mais en plus pervers: Dimanche ou les fantômes, de Laurent Achard (1994), ouvre une porte à l’angoisse et à la paranoïa enfantines. Rien de paisible ni d’heureux en ce dimanche suintant. Dur, dur. Notons également La Vie des morts (1990), de l’excellent Arnaud Desplechin (Comment je me suis disputé… [ma vie sexuelle]), où il croque une famille autour d’une tentative de suicide. Enfin, et on ne pourra jamais trop le revoir: Madame Jacques sur la Croisette (1995), d’Emmanuel Finkiel (Casting et Voyages), tableau adorable de la séduction âgée, du retour au bonheur. Excellent.

Du 11 au 15 décembre
Au Musée de la civilisation
Voir calendrier Cinéma