War Babies / Raymonde Provencher : Mère courage
Cinéma

War Babies / Raymonde Provencher : Mère courage

Né au Bangladesh, adopté par un couple canadien, Ryan est un "enfant de la guerre". À travers son parcours pour retrouver sa mère violée par un soldat pakistanais, nous rencontrons des femmes qui partagent le même drame. Celui d’avoir été violées, parfois à maintes reprises par plusieurs hommes, durant des conflits armés, puis forcées de donner la vie à l’enfant issu de ce crime haineux.

Né au Bangladesh, adopté par un couple canadien, Ryan est un "enfant de la guerre". À travers son parcours pour retrouver sa mère violée par un soldat pakistanais, nous rencontrons des femmes qui partagent le même drame. Celui d’avoir été violées, parfois à maintes reprises par plusieurs hommes, durant des conflits armés, puis forcées de donner la vie à l’enfant issu de ce crime haineux.

Bercé par la douce et enveloppante musique de Robert M. Lepage, War Babies… Nés de la haine, de Raymonde Provencher, donne un visage et une voix aux statistiques que balancent rapidement les actualités et que nous oublions aussitôt. Les propos sont troublants; le sujet, fort éprouvant. Or, le film est très beau grâce au montage fluide d’Aube Foglia et à la photographie soignée de Robert Vanherweghem. Derrière ces qualités esthétiques, qui auraient pu nuire à la portée du message, on découvre toute la compassion et l’humanisme de la réalisatrice-scénariste, aussi journaliste depuis 1973, qui aborde son sujet avec respect. Le résultat s’avère aussi sensible que percutant.

Comment réussit-on à faire parler ces femmes? "Une fois que le climat de confiance est installé, elles veulent parler parce que personne ne leur pose jamais de questions. En Bosnie, on leur ordonne de se taire. En Corée, on fait semblant que ça n’a jamais existé. Au Rwanda, c’est la désolation. Au Nicaragua, c’est l’amnistie; tout le monde a été pardonné. On leur dit: "C’est fini, tu as été violée, n’en fais pas un drame. Tu as eu un enfant, c’est la vie." Mais ça ne marche pas comme ça! Psychologiquement parlant, ce sont des femmes détruites. Tu ne peux pas passer à travers un drame pareil sans soutien psychologique. C’est ça qui m’interpellait plus que tout: qu’on ne s’occupe jamais d’elles!" explique Raymonde Provencher en entrevue.

À Paris, Primo Levi, un centre pluridisciplinaire de soins aux victimes de torture et de violence politique, est l’un des rares organismes à s’occuper de ces femmes. Ainsi, la réalisatrice souhaite présenter son documentaire dans les communautés où il a été tourné afin de signifier à ces femmes victimes de viol qu’elles ne sont plus seules.

Pourquoi parle-t-on souvent de la torture, mais rarement du viol? "Le viol a toujours existé en temps de guerre, c’est donc devenu normal. Personne ne s’interroge là-dessus comme on s’est interrogé sur la torture. Ce qui est hallucinant! On dit que ce sont des dommages collatéraux, que cela fait partie de la façon d’être des armées victorieuses. Je veux qu’on arrête de penser que la torture des hommes est scandaleuse, mais que le viol des femmes est correct. Il faut dire: "Non, un instant, ce n’est pas normal!" Ce serait déjà énorme."

War Babies… suscite plusieurs interrogations. Devant la position de Bush face à l’Irak, comment ne pas penser que nous pourrions être les prochaines victimes? Peut-on douter du comportement des soldats canadiens et américains en mission à l’étranger? "Poser la question, c’est y répondre", suggère Raymonde Provencher, qui explique à titre d’exemple que le viol n’a pas été abordé au procès de Nuremberg pour ne pas salir Hirohito dont l’armée avait mis sur pied des bordels où l’on violait des Chinoises et des Coréennes. Heureusement, les médias dénoncent de plus en plus ces pratiques. La semaine dernière, le quotidien français Libération publiait les pénibles témoignages de femmes violées par des soldats au Congo-Kinshasa.

Avec son documentaire, Raymonde Provencher désire éveiller les consciences et ainsi faire évoluer les comportements: "Il faut d’abord connaître, rencontrer, comprendre, et ensuite passer à l’action. On ne peut pas tout saisir en 15 secondes, mais il faut faire l’effort de comprendre qu’il y a des raisons historiques, politiques et économiques qui causent ces guerres. Quand on comprend, on peut mieux défaire le mécanisme ou, du moins, s’arranger pour le bloquer."

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