James Nachtwey – War Photographer : Ceci est une guerre
Cinéma

James Nachtwey – War Photographer : Ceci est une guerre

Photographe de guerre ultra-actif depuis 20 ans, présent durant les événements du Kosovo, du Rwanda et de la Palestine, entre autres, James Nachtwey est aussi calme que les situations qu’il couvre sont catastrophiques. Un homme lucide qui a pour mission de témoigner des affres de la guerre

Photographe de guerre ultra-actif depuis 20 ans, présent durant les événements du Kosovo, du Rwanda et de la Palestine, entre autres, James Nachtwey est aussi calme que les situations qu’il couvre sont catastrophiques. Un homme lucide qui a pour mission de témoigner des affres de la guerre. Un important regard factuel, puisqu’il ne recule devant rien: ni le danger (il fut blessé cinq fois environ), ni la possibilité de perdre sa santé mentale (son attitude laconique laisse deviner une souffrance), pour montrer au monde la chaude vérité de la guerre. Un homme d’action solitaire qui respecte totalement les peuples impliqués.

Ce documentaire du Suisse Christian Frei, qui suit l’illustre photographe pendant deux ans sur le terrain, utilise par moments une technique peu commune: celle d’une mini-caméra vidéo fixée à l’appareil photo de Nachtwey. Le résultat est saisissant. Mais ceci n’est pas un jeu vidéo. Quand il regarde dans sa caméra, nous bénéficions de son point de vue, avec prise de son en prime. Ainsi on "devient" le photographe de guerre, et on assiste parfois au parallèle entre notre cadre privilégié et la photo tirée dans un magazine. Très convaincant comme travail en direct; surtout quand les coups de feu pleuvent et qu’un collègue est frappé de plein fouet. Extrêmement dérangeant, par ailleurs, de voir ces femmes pleurant des morts au Kosovo dès le début de la projection. On est témoin, mais on filme. Il y a là une grande pudeur, mais on garde l’impression de violer l’intimité de ce drame. Comme si l’acte de prendre des photos devenait lui aussi répréhensible. Nachtwey explique beaucoup plus tard comment il demande la permission de prendre les photos, et comment il s’efface presque complètement, annulant toute forme d’indécence et de cynisme.

Il explique aussi son conflit le plus douloureux, qu’il qualifie d’ascenseur pour l’enfer: celui des Hutus et des Tutsis au Rwanda, entre 500 000 et 1 000 000 de morts, tués par machettes et autres armes primitives. Tout au long, on s’attarde sur l’effet cumulatif et accablant de ce métier de fous. Les témoignages de collègues et amis, dont la célèbre journaliste baroudeuse Christiane Amanpour de CNN, sonnent juste et fournissent tous des éléments nouveaux sur cette activité singulière et sur cet homme d’apparence impassible qui a choisi la vie au front. Fort intéressant de le voir au milieu du chaos, cherchant l’angle voulu pour que la photo garde un iota de beauté infinitésimal, qu’elle soit une photo d’art, dégageant une force qu’il veut hurlante contre toutes les guerres.

War Photographer rebutera quiconque recherche le divertissement, mais ne pas regarder cette réalité en face serait nier le grand travail de James Nachtwey. Le documentaire est en nomination aux Oscars.

Voir calendrier
Cinéma exclusivités