Pinocchio : Manque de pif
Cinéma

Pinocchio : Manque de pif

Selon la légende, Fellini rêvait de tourner Pinocchio en confiant le rôle-titre à Roberto Benigni, qu’il avait dirigé dans La Voce della luna. À la mort du grand cinéaste, Benigni s’est juré de réaliser ce rêve. Jouissant du plus gros budget jamais accordé à un film italien, cette adaptation fidèle, mais ô combien fastidieuse, des aventures picaresques du célèbre pantin fait paraître La vie est belle comme une erreur de parcours dans la filmographie chaotique du clown à tout faire (Down by Law, Le Petit Diable, Il Monstro, Johnny Stecchino).

Selon la légende, Fellini rêvait de tourner Pinocchio en confiant le rôle-titre à Roberto Benigni, qu’il avait dirigé dans La Voce della luna. À la mort du grand cinéaste, Benigni s’est juré de réaliser ce rêve. Jouissant du plus gros budget jamais accordé à un film italien, cette adaptation fidèle, mais ô combien fastidieuse, des aventures picaresques du célèbre pantin fait paraître La vie est belle comme une erreur de parcours dans la filmographie chaotique du clown à tout faire (Down by Law, Le Petit Diable, Il Monstro, Johnny Stecchino).

D’abord, pourquoi s’attribuer un rôle quand on a cinq fois l’âge du personnage? Même s’il paraît 15 ans plus jeune qu’il ne l’est, Benigni demeure trop âgé pour jouer le pantin taquin souhaitant devenir un sage gamin. De plus, il a le cheveu rare, les joues bleutées par une barbe forte et les mains poilues comme un babouin. Toutefois, le pétulant quinquagénaire a la démarche leste et le geste fluide. À le voir sautiller comme une grenouille et gesticuler comme un singe, on se demande ce qu’il met dans sa polenta pour garder une telle forme. Rien qu’à le regarder cabrioler, on en perd le souffle… et trop tôt tout intérêt, car Pinocchio-Benigni se révèle si agaçant que bientôt l’envie nous prend de le gaver de Ritalin ou de le réduire en bran de scie. Aussi, quelle idée saugrenue que de ne pas donner au pantin l’allure d’une marionnette! Sans être de géniales adaptations du conte de Collodi, le dessin animé de Disney, la télésérie de Luigi Comencini (avec Nino Manfredi et Gina Lollobrigida) et la version de Steve Barron (avec Martin Landau) avaient le mérite de mettre en scène une créature qui semblait de bois. Chez Benigni, seul un changement de costume nous signifie que la transformation finale a eu lieu. En voyant apparaître Benigni sans artifice, hormis ce nez qui s’allongera à quelques reprises, on s’ennuie déjà du billot turbulent qui prend d’assaut la charmante reproduction d’un village toscan du 19e siècle.

Quant à la fée aux cheveux bleus, interprétée par Nicoletta Braschi, la muse-épouse-productrice, elle a à peine plus d’expression que la statue dans A.I., de Spielberg. A-t-elle peur de faire craquer son maquillage? Mais elle apparaît si belle et majestueuse dans son splendide carrosse tiré par des centaines de souris blanches qu’on en oublie presque son air ennuyé et son sourire figé. Restent les protagonistes (très) secondaires que l’on aurait aimé connaître davantage, comme le grillon et ce bon vieux Gepetto (Carlo Giuffre, le seul à apporter un brin d’émotion). Animaux dans le conte de Collodi, certains personnages prennent l’apparence d’humains aux traits animaliers, tels les filous Renard et Chat; une bonne idée qui donne un charme étrange à l’ensemble autrement sans magie.

Sans sauver entièrement le tout, la direction artistique s’avère des plus satisfaisantes avec ses maquillages élaborés, ses costumes fantaisistes et ses décors somptueux. Pourtant, on sent qu’à l’instar des personnages, Benigni n’a pas su en tirer avantage tant il était occupé à mettre en valeur sa petite personne. À peine chaque lieu est-il exploré qu’on expulse les personnages du décor. Quel gaspillage! Par contre, on profite pleinement de la beauté de la campagne italienne avec de nombreux travellings aériens. Dommage enfin que le rythme n’ait pas la cadence de l’acteur-scénariste-réalisateur: les péripéties se déroulent laborieusement, les unes après les autres; les enchaînements manquent tant de fluidité que le récit devient lourd à supporter. D’autant plus que la morale se trouve davantage soulignée que dans le conte – ne pas prendre les enfants pour des cruches! Seule la scène au pays des jouets permet de constater que s’il avait bénéficié d’une mise en scène vivante, Pinocchio aurait été joyeusement festif.

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