Rentrée culturelle hiver 2003
Cinéma

Rentrée culturelle hiver 2003

Le film le plus important de ce début d’année est en noir et blanc, et son réalisateur-acteur est mort il y a 25 ans. Il aura donc la place d’honneur, en espérant qu’il ait aussi le rôle de déclencheur des consciences: Le Dictateur de Charlie Chaplin ressort, rutilant. Chef-d’oeuvre du cinéma à ne pas rater.

Le film le plus important de ce début d’année est en noir et blanc, et son réalisateur-acteur est mort il y a 25 ans. Il aura donc la place d’honneur, en espérant qu’il ait aussi le rôle de déclencheur des consciences: Le Dictateur de Charlie Chaplin ressort, rutilant. Chef-d’oeuvre du cinéma à ne pas rater. Dans le monde des vivants, rien de nouveau, plus quelques trouvailles: les premiers pas derrière la caméra de George Clooney sont respectables (Confession of a Dangerous Mind); on connaît déjà le talent du cinéaste Abbas Kiarostami, Ten est une preuve de plus; le film brésilien Cidade de Deus, de Fernando Meirelles, parle de destinée à Rio, un des meilleurs films de Cannes; et on attend The Quiet American de Philip Noyce, surtout pour le duo Michael Caine-Brendan Fraser et parce que c’est du Graham Greene. Le dernier Robert Guédiguian, Marie-Jo et ses deux amours, est un mélodrame romantique; et il y a du vécu dans le premier film de Sophie Marceau, Parlez-moi d’amour. Spider? David Cronenberg est là pour saisir les araignées dans la tête de Ralph Fiennes; et Baltazar Kormakur fait un cliché de la famille mère de tous les maux dans son second film après 101 Reykjavik, The Sea. On a envie de se marrer avec un mélange de foot et de kung-fu dans Shaolin Soccer, méga-succès en Asie pour Stephen Show; et de craquer encore pour Ewan McGregor dans Down With Love, ode au couple Rock Hudson-Doris Day signée Peyton Reed.

On a envie de l’air du temps selon L’Auberge espagnole, succès outre-Atlantique de Cédric Klapisch. Le père fait des comédies, le fils en fait un drame: le film de Jean Veber ne porte pas à rire et s’appelle Le Pharmacien de garde. Deux jeunes femmes réalisent: Julie Lopes-Curval fait dans le simple Bord de mer et gagne la Caméra d’or. L’autre, Delphine Gleize, a plus de passion et donne Carnages. Et en attendant Les Invasions barbares de Denys Arcand, suite du Déclin, on est très curieux de ce qu’il y a derrière le titre Comment ma mère accoucha de moi durant sa ménopause. Premier long de Sébastien Rose, avec Paul Ahmarani et quelques stars. La saison amène Kurosawa au Parc, les Génie (excellent Flower and Garnet qui gagne le prix du meilleur premier film), les Rendez-vous du cinéma québécois suivis de la remise des Jutra (où l’on rendra hommage à Rock Demers), le FIFA, les Golden Globes, les Oscars et les César. C’est la fête.

On s’inquiète par contre pour le dernier Alan Parker, The Life of David Gale, thriller qui semble usiné, avec Kate Winslet et Kevin Spacey. On craint pour le dernier Liliana Cavani (Portier de nuit), Ripley’s Game, d’après Patricia Highsmith, avec Malkovitch sur le pilote automatique. On a peur du classique sous toutes les coutures avec The Human Stain, de Robert Benton (Kramer vs. Kramer), malgré Nicole Kidman et Anthony Hopkins. Et Dardevil? Mal parti parce que Ben Affleck est un grand veau. Idem pour Phone Booth de Joel Schumacher, avec son protégé, Colin Farrell, qui sévit aussi dans The Recruit, à côté d’Al Pacino. Espérons que Gods and Generals soit meilleur que Gettysburg, mais on parle du même réalisateur, Ronald Maxwell. Les films qui font peur sont entre les mains de vieux pros (William Friedkin pour The Hunted, Dreamcatcher d’après Stephen King, de Lawrence Kasdan); et les stars voyagent: Matt Dillon réalise son premier film au Cambodge (City of Ghosts), Bruce Willis va se coller à Monica Bellucci au Nigeria dans Tears of the Sun; et Aaron Eckhart, séduisant Hollywood, file au centre de la Terre dans The Core.

NOS CHOIX

L’Homme sans passé, d’Aki Kaurismaki
Quand la simplicité est à son meilleur. Tout est dans le cadre, sans pathos ni psychologie. Un homme qui a perdu la mémoire devient clochard. Un homme qui trouve le chemin du bonheur. Un regard sur les abandonnés, une ode humaniste, une générosité pudique, un humour bien noir, un cinéma moderne: L’Homme sans passé, c’est tout ça et encore plus, en travaillant l’épure et le degré zéro du jeu. C’est comme de la vodka pure, ça fait un peu pleurer les yeux quand on le prend cul sec. Film formidable. Grand Prix du jury à Cannes. Sortie prévue: mars.

L’Arche russe, d’Alexander Sokourov
Vous avez dit prouesse? Il y a du chercheur maniaque chez l’artiste. Voir Moloch et Mother and Son. Dans L’Arche russe, c’est le temps retrouvé au cinéma. Quatre heures de tournage en haute définition numérique, un seul plan de 90 minutes, quelque 800 figurants, des semaines de répétitions. Et un lieu, heureusement, le Musée de l’Hermitage à Saint-Pétersbourg, dont les salles en enfilade accueillent une fresque qui raconte deux siècles de Russie. Il y a de l’opulence et de la décadence, du Max Ophuls dans ce bal très slave. La portée politique est parfois floue derrière les dorures, mais la séduction est immense. Sortie prévue: février.

Dirty Pretty Things, de Stephen Frears
De My Beautiful Laundrette à High Fidelity, en passant par The Grifters et Dangerous Liaisons, Stephen Frears touche à tout avec talent. Avec Dirty Pretty Things, il revient à ses mélanges des débuts. On en sait peu de choses. Il y aurait des portraits réalistes sur fond d’immigration illégale à Londres, Audrey Tautou en Turque, accompagnée de Sergi Lopez et de Chiwetel Ejiofor, chirurgien nigérien. On parle de romance, de thriller médical, de reality-show et d’intelligence. Alléchant.