Confessions of a Dangerous Mind : Destin animé
Cinéma

Confessions of a Dangerous Mind : Destin animé

Nouveau venu sur la liste des films sur les truands rétro, celui de George Clooney présente les petits et grands travers de Chuck Barris, l’animateur assassin du Gong  Show.

Coupable d’avoir conçu et produit parmi les pires émissions de télé – notamment The Newlywed Game, ancêtre des freak shows carburant à la médiocrité -, Chuck Barris, l’animateur du légendaire Gong Show, a aussi 33 meurtres sur la conscience. Abrutir des millions de téléspectateurs ne lui suffisait donc pas. En fait, Barris travaillait à la solde de la CIA pour laquelle il devait éliminer, guerre froide oblige, les "ennemis" des Américains. Ce n’est qu’en 1984, alors que Barris publie son autobiographie non autorisée (sic!), que ses anciens collègues de la télé ont enfin pu s’expliquer ses longues absences. Et les tourtereaux du Dating Game de comprendre pourquoi Barris les chaperonnait dans des endroits aussi peu romantiques qu’Helsinki ou Berlin-Ouest…

Dans la vague des films sur les mystificateurs des années 60-70 (Catch Me If You Can, Auto Focus), voici un premier film réussi de l’acteur George Clooney (tourné à Montréal). Confessions of a Dangerous Mind ne prétend pas être une adaptation fidèle des mémoires de Barris; mais réalisé avec la bénédiction du principal intéressé, le film est farfelu, quelque peu tordu et possède une bonne dose d’humour noir. Le scénariste Charlie Kaufman (Being John Malkovich, Adaptation) semblait donc tout désigné pour raconter ce destin aussi insolite qu’invraisemblable.

À l’instar de l’autobiographe mégalomane, force est de constater que Kaufman s’est plu à brouiller les pistes entre réalité et fiction – dans le cas présent, mensonge s’avérerait-il un terme plus juste? Malgré la gravité du sujet – Barris a failli laisser sa peau aux mains du KGB -, le ludisme et la fantaisie sont au rendez-vous. Des extraits éloquents des émissions de Barris et des entrevues décontractées avec des artisans de la télé, dont Dick Clark, viennent ponctuer le récit. Pas question d’alourdir avec une leçon d’histoire sur l’Amérique secrète ou sur les dessous de la télé; pas plus que de faire gober au spectateur que tout ce que l’on raconte est vrai.

Allant de pair avec le scénario éclaté, la mise en scène joue avec les profondeurs de champs et la temporalité pour créer des effets cocasses. Par moments, Barris (Sam Rockwell) quitte le cadre pour y revenir aussitôt, mais à une époque différente. On fait tomber les murs et glisser les cloisons pour présenter des actions en parallèle; et on s’amuse à y faire traverser les personnages afin de souligner le procédé. Une façon de faire très rétro, donc dans le ton. Dans le même esprit, chaque époque possède son propre grain, et une tonalité particulière. Les pastels éclatants envahissent l’univers télévisuel; tandis que l’image s’assombrit et se fait plus rugueuse pour illustrer les activités secrètes de Barris. Et une séquence mexicaine aux teintes jaunes rappelle le Traffic de Steven Soderbergh, qui figure sur la liste des producteurs.

Avec son jeu énergique et ses airs vaguement psychotiques, Rockwell s’avère formidable dans le rôle de Barris. Julia Roberts s’en donne à coeur joie en espionne fatale, tout droit sortie d’un vieux James Bond. En agent de la CIA, Clooney se fait mystérieux avec sa voix basse et son regard sombre, tandis que l’élégance fanée de Rutger Hauer sied à merveille au personnage d’agent las de son boulot. Surveillez les deux charmants figurants du Dating Game: Brad Pitt et Matt Damon. Une fausse note: Drew Barrymore démontre plus de charme que de talent en petite amie du héros. Dommage que Clooney n’ait pas demandé à Isabelle Blais (qui sanglote quelques secondes au côté de Rockwell) de la remplacer…

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