Kurosawa
Les grands duos acteur-cinéaste ne sont pas rares. Mais ils durent rarement aussi longtemps que celui de Toshiro Mifune et Akira Kurosawa. Le temps de 16 films. Penser à l’un, c’est voir l’autre. On peut préférer la période "moderne" de Kurosawa, celle où explosent les bombes artistiques que sont Derzou Ouzala, Kagemusha, Ran ou Dreams; mais il faut retrouver le noir et blanc et la gueule hallucinante de Mifune (surnommé The Wolf!), et redécouvrir les débuts. Le Cinéma du Parc propose quelques films de cette fructueuse association. Kurosawa a, comme Fellini et Bergman aux deux pôles de l’Europe, régné sur le cinéma du 20e siècle. Il est le plus occidental des Orientaux. La culture classique, de Shakespeare à Chandler, a été transposée par cet incroyable conteur. Après Drunken Angel et Throne of Blood, le Cinéma du Parc propose donc Les 7 Samouraïs (du 31 janvier au 5 février), un des films génériques du western moderne; une envolée de chevalerie qui aura bien sûr influencé Sturges pour Les 7 Mercenaires. Ensuite il y aura High and Low (les 6 et 7 février), un thriller adapté d’un polar américain, et Straydogs, de 1949, une histoire de flic et de moralité encore une fois racontée de façon exemplaire. Et rien ne pourra nous empêcher de revoir Rashomon (du 14 au 20 février), un drame philosophique, quatre points de vue pour un crime, chef-d’oeuvre des débuts qui permit à Mifune de devenir à l’époque l’acteur japonais le plus connu en Occident. On en reparle. www.cinemaduparc.com.
Romantisme allemand
Le summum du romantisme, l’Allemagne. C’est dans ce pays qu’on a atteint des sommets de beauté sublimée, d’amour et de mort mêlés, de désespoirs délirants, et de tragédies surnaturelles. Qu’une nation ait pu engendrer Ludwig II de Bavière et Hitler d’un bord; et Fritz Lang, Herzog et Fassbinder de l’autre, démontre une nette propension à l’exaltation. Et c’est sans parler de Goethe, Hoffmann et Wagner. Dans les programmations toujours de qualité qu’offre l’Institut Goethe, le romantisme allemand nous ouvre des horizons insoupçonnés, désespérants mais fascinants. Car on ne sait plus vraiment ce qu’est le romantisme. On ne parle pas de la définition aimable et édulcorée de cet épanchement parfois violent contre tout rationalisme. Pas charmant, le romantisme. Le Goethe a donc déjà présenté Aguirre ou la colère de Dieu et L’Énigme de Kaspar Hauser, de Werner Herzog, et Le Roi des roses, de Werner Schroeter. On découvre maintenant un réalisateur étonnant, Hans-Jurgen Syberberg, qui met l’Allemagne en questions dans Ludwig – Requiem pour un roi vierge (1972), Hitler, un film d’Allemagne (1977) et Parsifal (1982). Des cauchemars statiques de Louis II, on débarque vite sur cette oeuvre magistrale qu’est Hitler. Syberberg fait le procès qu’Hitler n’a jamais eu en faisant jouer le Führer par différents acteurs. Comprendre par là qu’Hitler est le mal, et qu’il est une partie de nous. Assumons. La charge est aussi folle que forte, et dure presque sept heures… Dans le registre spleen urbain, Malina de Werner Schroeter, avec Isabelle Huppert et Matthieu Carrière, recèle aussi de belles tortures. À suivre… Info: (514) 499-0159. www.goethe.de/montreal.