The Quiet American : L'eau qui dort
Cinéma

The Quiet American : L’eau qui dort

Graham Greene, c’est le bonheur pour un cinéaste. On comprend l’envie de Phillip Noyce, tâcheron sans subtilité de The Saint, Patriot Games, The Bone Collector (mais gagnant récemment en finesse avec Rabbit-Proof Fence), de mettre en images un des meilleurs romans du célèbre écrivain. L’adaptation avait déjà été faite en 1958 par Mankiewicz, mais Greene n’aurait pas aimé la version, dit-on, trouvant que le ton du film n’était pas aussi méchant que le sien. Qu’aurait-il dit de celle de Noyce? Mais qui peut être aussi cinglant que Greene?

Graham Greene, c’est le bonheur pour un cinéaste. On comprend l’envie de Phillip Noyce, tâcheron sans subtilité de The Saint, Patriot Games, The Bone Collector (mais gagnant récemment en finesse avec Rabbit-Proof Fence), de mettre en images un des meilleurs romans du célèbre écrivain. L’adaptation avait déjà été faite en 1958 par Mankiewicz, et Greene n’aurait pas aimé la version, dit-on, trouvant que le ton du film n’était pas aussi méchant que le sien. Qu’aurait-il dit de celle de Noyce? Mais qui peut être aussi cinglant que Greene?

Phillip Noyce ne se débrouille pas si mal. Anthony Minghella et Sydney Pollack en coproducteurs ont eu du flair. Dans cette superbe histoire, construite comme une grenade dégoupillée, il y a tout ce qu’il faut pour être captivé: un correspondant de guerre en poste à Saïgon dans les années 50, vieil Anglais insensible à tout sauf à sa maîtresse vietnamienne; un jeune Américain mystérieux qui débarque, et qui tombe amoureux de la dame. Et un pays qui n’en peut plus du colonialisme français, coincé entre les intérêts des communistes et ceux des Américains. Une même histoire sur deux plans, jeune Vietnamienne partagée entre l’aventure stérile du colonialisme et la sécurité des USA. La grenade est lancée et finira en guerre américaine en Asie du Sud-Est. Pour l’instant, c’est exotisme, romance, thriller et espionnage. La totale… Dans les histoires de Greene, on est toujours plus à la fin d’un monde qu’à l’aube d’une ère nouvelle. Et cette décadence accompagne les élans des protagonistes au bout du rouleau, torturés par la passion, l’envie et la jalousie. Et Michael Caine, Anglais flegmatique et cynique, est à son meilleur. Il est lui-même un des derniers représentants de ce comportement en voie de perdition. Il pourrait n’être que la personnification d’une "vieille Europe"; mais comme chez Greene, son personnage parle d’abord pour lui. Avant tout, il est un homme brisé par un mariage qui ne peut se dissoudre, par une rigidité dont il veut se défaire. Et on a rarement vu Caine aussi habile à passer de la tendresse envers sa maîtresse au désespoir, agenouillé devant des morts durant une attaque; et de l’ironie cinglante envers l’Américain au cynisme glacial face au meurtre dudit Américain. Son personnage est riche et il en comble chaque facette.

Il réussit même à porter sur ses épaules les carences du film, notamment un rythme hachuré qui rend presque incompréhensible l’évolution des personnages et des événements, et le jeu soporifique de la jolie Phoung (Do Hai Yen). Dans le choix de Brendan Fraser, on retrouve la lourdeur poupine et la dangerosité cachée de Welles dans un autre Graham Greene à l’écran, Le Troisième Homme. Fraser est un très bon acteur dramatique, massif jusque dans son idéalisme politique. Sous des apparences opposées mais bonasses, les deux hommes sont vus comme des prédateurs dangereux, capables de tuer sans se tacher les mains. La biche vietnamienne n’est pas de taille, c’est clair. Même si on aurait aimé que les dialogues soient plus finement ciselés, les scènes où les deux acteurs se tiennent tête avec des manières d’un autre temps restent les meilleures du film. Des manières qui ne sont qu’élégance sensuelle, bien rehaussées par l’Australien de Hong-Kong, le talentueux directeur photo Christopher Doyle (In the Mood for Love, Rabbit-Proof Fence).

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