Intacto : Jeux dangereux

Marqué par la collision de deux avions durant son enfance, le réalisateur espagnol Juan Carlos Fresnadillo, dont le court métrage Linked a été couronné de nombreux prix, rêvait depuis longtemps d’écrire une histoire à propos du hasard et des superstitions. Nous entraînant dès le départ sur une fausse route, celle d’un casino, planté sur une île désertique, opéré par Sam (impérial et inquiétant Max Von Sydow), un rescapé des camps de la mort surnommé le "dieu de la chance", Fresnadillo nous convie à une odyssée déroutante et morbide où tous les coups sont permis.

Dès que le protégé de Sam, Federico (Eusebio Poncela, solide), qui a survécu à un tremblement de terre, décide de rompre leur association, un climat d’étrangeté s’installe. En étreignant Federico, Sam le dépouille de son don: celui de dérober la chance des gens par un simple toucher. Sept ans plus tard, Federico s’associe à Tomas (l’Argentin Leonardo Sbaraglia, convaincant), un cambrioleur ayant survécu à un écrasement d’avion, pour se venger de Sam. Avant de pouvoir l’affronter, Tomas devra traverser une série d’épreuves dangereuses. À la poursuite de Tomas, Sara (énergique Monica Lopez), une policière rescapée d’un accident de la route ayant coûté la vie à son mari et sa fille, se retrouve malgré elle à participer à ce rallye bizarre où défier la loi des probabilités peut s’avérer fatal.

Contrairement à l’univers manichéen d’Unbreakable, de M. Night Shyamalan, Intacto se veut un thriller à saveur fantastique où les protagonistes s’enfoncent à chaque nouvelle épreuve dans un monde noir et sans merci. Ne possédant pas la profondeur ni l’émotion de Fearless de Peter Weir – qui mettait en scène Jeff Bridges dans le rôle d’un survivant d’un écrasement d’avion se croyant devenu immortel -, Intacto est peuplé de personnages uniquement mus par une soif insatiable de maîtriser leur bonne fortune; somme toute, des pions évoluant de façon mécanique dans un jeu tordu savamment orchestré par le scénariste-réalisateur. Néanmoins, le film suscite constamment l’intérêt et l’étonnement grâce à des scènes pour le moins percutantes, telle cette course en forêt où les participants ont les yeux bandés et les poings liés dans le dos. D’une esthétique froide et très léchée qui rappelle Abre los ojos, d’Alejandro Amenabar, Intacto est le pari audacieux et réussi d’un réalisateur qui s’amuse sérieusement.

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