Le Crime du père Amaro : Requiem pour un lâche
Cinéma

Le Crime du père Amaro : Requiem pour un lâche

Dans un pays très catholique comme le Mexique, lancer El crimen del padre Amaro (Le Crime du père Amaro), c’est chercher le scandale. Carlos Carrera, le réalisateur, l’a eu et ça lui a servi: son film est le plus populaire du Mexique. Librement adapté de l’oeuvre du romancier portugais du 19e José Maria Eça de Queiroz, on y expose en couleur et sur grand écran quelques dérapages sacerdotaux.

Dans un pays très catholique comme le Mexique, lancer El crimen del padre Amaro (Le Crime du père Amaro), c’est chercher le scandale. Carlos Carrera, le réalisateur, l’a eu et ça lui a servi: son film est le plus populaire du Mexique. Librement adapté de l’oeuvre du romancier portugais du 19e José Maria Eça de Queiroz, on y expose en couleur et sur grand écran quelques dérapages sacerdotaux: un jeune prêtre (Gael Garcia Bernal, l’idole des Mexicaines depuis Amores Perros et Y Tu Mama Tambien) arrive tout fringant dans une bourgade pour y découvrir la corruption de l’Église face aux narcotrafiquants, le silence des élus, le fanatisme religieux ambiant, et l’oubli du voeu de célibat et de quelques autres commandements. Il va lui-même craquer pour les beaux yeux d’Amélia (Ana Claudia Talancon). Jusqu’où peut-on aller dans la lâcheté pour conserver la robe et la carrière? Assez loin dans ce film pour que les prêtres et cardinaux mexicains aient voulu excommunier les deux acteurs, que la sortie du film soit reportée après la venue de Jean-Paul II et que la mère de Vincente Fox, président conservateur du pays, utilise le mot "ordure" pour en parler. Logique voyeuriste, le film a donc fait plus de 3 millions $ la première semaine.

En soi, Le Crime du père Amaro ressemble à un gros mélo de type telenovella, mis en scène sans délicatesse, avec des acteurs qui jouent lourdement. Or, on a l’impression que cela est fait exprès. Qu’on y va avec les gros sabots de la candeur. C’est flashant comme les couleurs des saints de plâtre. Sans embarras, on filme des situations compromettantes: l’évêque qui se prélasse dans le luxe, des prêtres qui regardent le foot plutôt que de parler des problèmes de la paroisse, un prêtre bourré, une femme qui sort du lit de l’homme d’Église, ce même homme qui s’acoquine avec la pègre, et ce padre Amaro qui, en guise de jeu sexuel, demande à sa belle de porter le voile de la Vierge de Guadalupe! En pâture aux comportements lâches de tout ce beau monde, le réalisateur donne plusieurs victimes, dont un sacristain traître, sa fille handicapée, un objecteur de conscience, un journaliste muselé, la femme du maire à la libido fanatique, etc. Dans un pays à 90 % catholique pratiquant, Carrera ne manque pas de toupet. Et il ne rate pas une occasion de tourner en dérision l’hostie, donnée à bouffer à un chat noir par une sorcière ou tartinée avec du Dulce de leche par des gamins sur le perron de l’église. Nuance de taille qui éloigne ce film de la pensée nord-américaine: pas de rédemption pour Amaro. Le bon garçon du début coule doucement dans sa lâcheté. En nomination pour le meilleur film étranger aux Oscars.

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