Le Dernier Repas : L'ordre des choses
Cinéma

Le Dernier Repas : L’ordre des choses

À Huntsville, Texas, il n’y a pas 30 000 habitants. C’est une petite ville prospère qui porte le titre de capitale nationale de la peine de mort. Dix prisons dans la région, 40 exécutions en l’an 2000, et zéro criminalité. Julien Élie s’y est rendu pour une série de reportages radio sur le système carcéral américain. Il a décidé d’y faire un film avec l’aide de Carlos Ferrand à l’image et de Louis Desparois au son. Le film est coscénarisé et produit par Étienne Pagé. Gagnant du Prix du public l’année dernière aux Rencontres du documentaire, Le Dernier Repas a été présenté au FIPA en France.

À Huntsville, Texas, il n’y a pas 30 000 habitants. C’est une petite ville prospère qui porte le titre de capitale nationale de la peine de mort. Dix prisons dans la région, 40 exécutions en l’an 2000, et zéro criminalité. Julien Élie s’y est rendu pour une série de reportages radio sur le système carcéral américain. Il a décidé d’y faire un film avec l’aide de Carlos Ferrand à l’image et de Louis Desparois au son. Le film est coscénarisé et produit par Étienne Pagé. Gagnant du Prix du public l’année dernière aux Rencontres du documentaire, Le Dernier Repas a été présenté au FIPA en France.

Des films sur la peine de mort à la sauce américaine, on en a quelques-uns en tête (Dead Man Walking de Tim Robbins, Un coupable idéal de Jean-Xavier de Lestrade, etc.); il fallait donc choisir un angle différent. Et puis, les habitants de Huntsville ne sont pas dupes. Quand ils voient une autre caméra se pointer dans leur bourgade, ils savent que les critiques vont pleuvoir. Pour filmer en paix, Élie et ses amis ont fait un tableau tranquille de quelques jours, sans s’énerver. Or, même la banalité du quotidien est effrayante quand elle fonctionne sur l’industrie de la mort: le film a été tourné au moment de l’élection de Bush, le héros du coin. On visite le musée de la prison, fier de sa chaise électrique. Un gros Texan explique qu’il faut laisser mariner le steak deux jours dans du Coke pour l’attendrir et présente sa collection d’armes. Une jeune journaliste de 25 ans, spécialiste des derniers moments des condamnés, ne se souvient plus exactement à combien d’exécutions elle a assisté. Une vieille maman noire va réconforter son petit-fils dans les couloirs de la mort chaque fois qu’on tue un de ses codétenus. Des prisonniers creusent des fosses pour eux-mêmes et fabriquent des meubles pas chers pour les habitants de Huntsville. Ici, la mort ordonnée semble aussi évidente que la présence d’abattoirs à bestiaux. Il faut manger de la viande et tuer les tueurs. C’est dans l’ordre des choses.

Une idée résume le film, celle d’un activiste qui, à force de se demander pourquoi la peine de mort étatisée existe, n’a pu trouver qu’une réponse: parce qu’on peut le faire. On laisse croupir pendant des années des prisonniers dans des cellules minuscules sans fenêtres, enfermés 23 heures sur 24, avant de les emmener dans le couloir de la mort pour une exécution au rituel morbide… parce qu’on peut le faire. Par petites touches faisant ressortir cet esprit fataliste, par des soirées paisibles, une guitare Ry Cooder et des pickups, c’est l’Ouest mythique et solide. Celui de la certitude généralisée du droit moral.

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