FIFA : Au coeur de la création
Tenter de comprendre et d’expliquer le processus de création est assez excitant et cela vaut bien un festival. Et le FIFA, Festival international des films sur l’art, se porte de mieux en mieux. Nos premiers choix.
Vingt mille spectateurs l’année dernière s’y sont croisés. On passe donc cette année de 6 à 10 jours pour présenter 250 oeuvres et recevoir encore plus de monde. La 21e édition du FIFA prend également de l’ampleur dans les activités para-visionnement, dont une conférence scientifique du "docteur" Stéphane Crête qui dévoilera le fruit de ses expériences et présentera le film Les Laboratoires Crête de Vali Fugulin et Sonia Vigneault; et une table ronde sur L’État de l’édition des revues d’art en présence de Catherine Millet, directrice de la revue Artpress, auteure de La Vie sexuelle de Catherine M. et membre du jury.
Le plaisir est toujours avec les films, que l’on se dépêche de voir ici, car il est rarissime de les entrevoir ailleurs. En tout bien tout honneur, Le Roi Rodin ouvre le festival et fait partie des 46 films en compétition. Alain Fleischer, réalisateur prolifique et aimé du Festival, tente de saisir le génie en trois dimensions de Rodin. Un essai bavard, verbeux mais si précis, sans être linéaire, que l’on a l’impression que le réalisateur est un intime du sculpteur. On tourne autour des oeuvres pour comprendre le travail de l’artiste, pour essayer de percevoir le monde comme un sculpteur. Et Fleischer nous force à regarder en volume le bronze, mais aussi la danse et l’expression corporelle. Un exposé fouillé qui aboutit au grand génie du grand Auguste. Magnétique.
Le génie, David Hockney, figure colorée de la peinture contemporaine, s’essaie à le déboulonner: dans David Hockney: Secret Knowledge, un documentaire de la BBC signé Randall Wright, qui coïncide avec le livre écrit par Hockney, le peintre britannique explique le mystère de certains tableaux par un système d’optique connu depuis le 15e siècle, ce qui ternit sérieusement le génie des Caravage et autre Vermeer. Enquête excitante, explications convaincantes et questions toujours en suspens: on comprend que les théories de Hockney fassent pâlir les historiens d’art à travers le monde!
Ça vient de Suède, ça dure 10 minutes et c’est jouissif. On peut le regarder en boucle: Music For One Apartment and Six Drummers, d’Ola Simonsson et Johannes Stjärne Nilsson. Six batteurs prennent d’assaut un appartement et exécutent un morceau de musique dans chaque pièce avec ce qu’ils trouvent sous la main. On aime la chambre à coucher et la salle de bain, avec mention très bien pour le salon.
Un autre roi entre dans la caméra: Robert Roussil, sculpteur né à Montréal et vivant en Provence. Roussil ou le curieux destin d’un anarchiste impénitent, c’est la rencontre entre le documentariste Werner Volkmer (À la recherche de Louis Archambault) et un artiste rugueux qui n’en fait qu’à sa tête. Au milieu, la force des oeuvres, époustouflantes, et une réflexion qui passe du sculpteur au cinéaste sur l’artiste, grand chambouleur des académismes. Excellent film, moins tendre et plus fonceur que le précédent. À l’image du sculpteur.
L’artiste ne doit pas bêler avec les autres, mais il peut les regarder. Dans Robert Capa: In Love and War, d’Anne Makepeace, c’est une figure de légende que celle du beau photographe. Film classique pour un type qui ne l’était pas. Par contre, tout seul dans sa catégorie "critique d’art", le film The Cedar Bar d’Alfred Leslie revêt une forme beaucoup plus dingue. Autour de la pièce de théâtre écrite par le réalisateur en 1952 sur de chaudes engueulades entre les artistes qui buvaient sec au Cedar Bar – Willem de Kooning et autres Jackson Pollock – et le critique Clément Greenberg, Leslie a intercalé des images d’actualités et de films d’époque censées coller aux propos et préoccupations des buveurs. Fouillis hétéroclite, amusant et très bien monté. À suivre…
FIFA
Du 13 au 23 mars
www.artfifa.com
874-1637