L'Oiseau d'argile : Les lois de la foi
Cinéma

L’Oiseau d’argile : Les lois de la foi

Prix de la critique internationale à la Quinzaine des réalisateurs au Festival de Cannes 2002, L’Oiseau d’argile de Tareque Masud, qu’il a co-écrit avec sa femme d’origine américaine Catherine Masud, est un film fortement autobiographique qui retrace les débuts de la guerre civile ayant mené le Bangladesh à l’indépendance en 1971. Une autonomie chèrement payée, puisque plus de 3 millions de Bangladais, faiblement armés, sont morts aux mains de l’armée pakistanaise, soutenue par les États-Unis, et que 10 autres millions se sont exilés. Aujourd’hui, ce génocide est presque tombé dans l’oubli, la situation politique du Bangladesh, une république parlementaire, demeure très instable et l’intégrisme religieux est toujours en croissance constante.

Prix de la critique internationale à la Quinzaine des réalisateurs au Festival de Cannes 2002, L’Oiseau d’argile de Tareque Masud, qu’il a co-écrit avec sa femme d’origine américaine Catherine Masud, est un film fortement autobiographique qui retrace les débuts de la guerre civile ayant mené le Bangladesh à l’indépendance en 1971. Une autonomie chèrement payée, puisque plus de 3 millions de Bangladais, faiblement armés, sont morts aux mains de l’armée pakistanaise, soutenue par les États-Unis, et que 10 autres millions se sont exilés. Aujourd’hui, ce génocide est presque tombé dans l’oubli, la situation politique du Bangladesh, une république parlementaire, demeure très instable et l’intégrisme religieux est toujours en constante croissance.

Anou, jeune garçon timide de la classe moyenne de l’Est rural du Pakistan (l’actuel Bangladesh), est envoyé dans une madrasa (école religieuse où l’on enseigne l’islam et que l’on retrouve de plus en plus au Bangladesh) par son père, un musulman orthodoxe, pour l’éloigner des festivités hindoues et de la mauvaise influence de son oncle Milon, un étudiant engagé aux idées libérales. En se liant d’amitié avec Rokon, un garçon rêveur rejeté des autres élèves en raison de son comportement étrange, Anou s’adaptera avec moins de difficulté que son copain à l’enseignement rigide et aux règles strictes de la madrasa. Pendant ce temps, l’union de ses parents est rudement mise à l’épreuve lorsque la petite soeur d’Anou tombe malade: la mère réclame des soins médicaux traditionnels, alors que le père exige un traitement homéopathique.

À l’instar d’Un arbre sans racines, de Tavir Mokammel, réalisation fauchée démontrant l’aveuglement d’un village face aux agissements d’un mollah (chef religieux) en mal de pouvoir, et seul autre film bangladais présenté au FFM l’an dernier, L’Oiseau d’argile se veut une ferme et courageuse dénonciation de l’intégrisme religieux et de toute autre idée radicale. Et le réalisateur ne met pas de gants blancs. Que ce soit au foyer ou à l’école, le monde semble divisé en deux parts bien distinctes: les modérés et les extrémistes, ces derniers étant dépeints comme prisonniers de leur façon de concevoir l’islam ou comme d’horribles tyrans. Ainsi, le père d’Anou provoque la mort de sa fille à cause de ses convictions religieuses; le directeur de la madrasa veut mener les étudiants à participer à un djihad (guerre sainte) et les professeurs pacifistes n’osent lui faire part de leur désaccord. Aucun dialogue ne semble possible entre les deux partis. Pourtant, l’islam a 74 écoles différentes et prône le dialogue, la recherche et le questionnement, tel que le démontre un baha (joute oratoire chantée) interprété par un homme et une femme personnifiant le maître et son disciple. Mais l’intégrisme ne tolère aucune forme de remise en question.

Fascinante incursion dans une communauté méconnue – et souvent jugée à tort et à travers -, L’Oiseau d’argile souffre cependant d’un rythme hésitant; et l’intérêt a tendance à s’évanouir plus souvent qu’autrement. Par moments, l’ensemble tend vers le documentaire ethnographique (le réalisateur a signé plusieurs documentaires); on se complaît à envoyer des cartes postales des paysages bangladais, et à illustrer en vrac us et coutumes musulmans et hindous. Tout ce qui concerne les bouleversements sociaux et les enjeux politiques parvient, par bribes, de la radio de Milon. Reste que la photographie de Sudheer Palsane est superbe… De plus, les personnages se révèlent pittoresques mais convaincants, puisque Tareque n’a pas hésité à aller chercher des élèves et des professeurs de madrasas (seuls les interprètes des parents sont des professionnels). Par ailleurs, le réalisateur évoque sobrement les ravages de la guerre alors que l’on suit les villageois fuyant dans la forêt. Accroupis et hagards, ils assistent au loin au massacre des leurs, restés pour défendre leurs intérêts. À elle seule, cette scène rend compte avec force de l’impuissance du peuple bangladais face à son ennemi.

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