All About Lily Chou-Chou : Paradis artificiels
Cinéma

All About Lily Chou-Chou : Paradis artificiels

Dans une rizière aux longs brins verdoyants à perte de vue, se dresse un adolescent, walkman dans les mains, perdu dans sa musique: voilà une image récurrente d’All About Lily Chou-Chou, de Shunji Iwai (Swallowtail Butterfly), une longuette étude de moeurs sur les ados japonais en détresse intérieure, se libérant de la réalité par le biais de la musique et d’Internet. Bref, le thème universel de la fuite devant l’aliénation.

Dans une rizière aux longs brins verdoyants à perte de vue, se dresse un adolescent, walkman dans les mains, perdu dans sa musique: voilà une image récurrente d’All About Lily Chou-Chou, de Shunji Iwai (Swallowtail Butterfly), une longuette étude de moeurs sur les ados japonais en détresse intérieure, se libérant de la réalité par le biais de la musique et d’Internet. Bref, le thème universel de la fuite devant l’aliénation.

Quelle musique peut être qualifiée d’éther? Pour Yuichi (Hayato Ichihara), alias Philia sur le Net, la réponse est d’une évidence frappante: elle se prénomme Lily Chou-Chou. Cette dernière est une chanteuse de type Björk gothique, source d’écoute planante et d’un site où les fans discutent d’elle et de l’état flottant qu’elle procure. Yuichi, 14 ans, étudiant parmi tant d’autres, a sa gang d’amis voleurs de CD, ceux qui pissent du haut des viaducs et qui imposent leur loi aux autres écoliers. Mais il ne les suit que parce qu’il veut un sentiment d’appartenance. Et puis il y a Shusuke (Shugo Oshinari), un surdoué dont il subit la personnalité forte et perturbatrice.

On constate vite que le film n’est qu’une enfilade de tableaux dans le genre tranche de vie, mais rehaussée d’un style visuel des plus attrayants à l’image poétique (travail soucieux de Noboru Shinoda, qui est au réalisateur ce que Christopher Doyle est à Wong Kar-wai). N’empêche que le regard et le ton d’Iwai escamotent toute trace de sentimentalisme, le cinéaste capte plutôt le malaise de vivre parmi tant de cruauté adolescente. On nous expose à de l’extorsion, à des raclées en règle, on file vers la prostitution et, presque inéluctablement, on arrive au meurtre. Perte d’innocence dans une ville ordinaire sans nom. Régulièrement, entre ces épisodes, apparaît un écran noir, meublé de lettres tapées à l’ordinateur, un chat électronique, seul refuge du bonheur sous la forme d’un dialogue exutoire concernant la passion commune pour Lily Chou-Chou. Bien sûr, on ne nous fait pas le coup du "ceci est une histoire vraie", mais il se dégage une sensation de collage contemporain, de prise de pouls générationnelle. On aura compris que l’herbe n’est pas plus verte ailleurs. Après une heure trente cependant, sauvées jusque-là par des vacances rocambolesques en pleine nature à Okinawa (beau morceau de cinéma erratique en prises de vues syncopées), les tribulations des protagonistes nous lassent quelque peu. Et après deux heures et demie, on est fort aise de voir se dérouler enfin le générique de la fin, la substance du film semblant artificiellement très étirée. Reste que les acteurs brillent tous, notamment le jeune Ichihara, qui ne manque pas de présence. Silencieux et docile, il réussit néanmoins à projeter toute l’extase voulue à l’écoute de la Chou-Chou dans les champs. Et puis Ayumi Ito, sacrée meilleure actrice aux oscars japonais pour ce rôle de pianiste persécutée par ses camarades, impose le respect même si son temps à l’écran est minime. Bref, malgré une grande bouffée de cet éther, All About Lily Chou-Chou ne provoque en somme qu’un sentiment d’euphorie passager.

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