L'homme trop pressé prend son thé à la fourchette : L’emploi du temps
Cinéma

L’homme trop pressé prend son thé à la fourchette : L’emploi du temps

En faisant des recherches sur le sentiment d’accélération du temps, Sylvie Groulx est tombée sur ce proverbe indien: L’homme trop pressé prend son thé à la fourchette. Pour la réalisatrice, cette phrase illustrait à merveille la maladresse de l’homme d’aujourd’hui qui n’arrive plus à prendre le temps de bien faire les choses: "Parce qu’on va vite, on s’imagine qu’on a le contrôle et qu’on vit intensément, alors que c’est le contraire", dit-elle.

En faisant des recherches sur le sentiment d’accélération du temps, Sylvie Groulx est tombée sur ce proverbe indien: L’homme trop pressé prend son thé à la fourchette. Pour la réalisatrice, cette phrase illustrait à merveille la maladresse de l’homme d’aujourd’hui qui n’arrive plus à prendre le temps de bien faire les choses: "Parce qu’on va vite, on s’imagine qu’on a le contrôle et qu’on vit intensément, alors que c’est le contraire, dit-elle. On passe à côté de notre vie en essayant de répondre à des attentes provenant de plus en plus de l’extérieur. On se donne ainsi l’illusion d’être efficace, mais on ne vit jamais le temps dans lequel on vit, ce qui m’apparaît très absurde. Tout est vécu comme une fuite en avant. La vie n’est plus une continuité, mais une accumulation d’instants présents nous coupant de notre passé et nous empêchant de réfléchir à notre avenir."

D’entrée de jeu, l’ambiance sonore évoquant un coeur qui palpite et le montage rapide signé France Pilon donnent le ton de ce documentaire. L’homme trop pressé… traduit le malaise individuel créé par un système qui prône la performance. À l’image de notre folle époque, une jeune fille pratiquant le métier de courrier à vélo fonce tête baissée dans la Métropole. Arborant le passage du temps sur son corps, une septuagénaire pose en silence pour des étudiants en scénographie. Entre ces deux métaphores, une sage marathonienne de 20 ans déplore que l’on néglige les projets à long terme au profit de la vitesse d’exécution. Courant du matin au soir, une attendrissante jeune maman en vient à souhaiter le burnout.

Pourquoi un tel film? "Je voulais tendre un miroir aux gens qui vivent ce stress isolément, explique la réalisatrice, même si c’est un problème de société. Comme dans mes autres documentaires (Chronique d’un temps flou, Qui va chercher Gisèle à 3 h 45?), je n’ai pas voulu faire parler des spécialistes ou des philosophes, mais des gens qui sont aux prises avec cette vie faite d’urgences. Je ne veux surtout pas servir une leçon, encore moins donner une solution, mais plutôt une occasion de réfléchir." La documentariste offre également un contrepoint fictif, porté par la prose fluide de la romancière Yolande Villemaire et la musique apaisante de Nils Petter Molvaer, qui met en scène une femme (Michèle Léger) apprivoisant une nouvelle vie à la suite d’un burnout. L’épuisement professionnel serait-il salvateur? "C’est l’occasion idéale de faire du ménage, de tout remettre en perspective, commente la réalisatrice qui, malgré tout, ne le souhaite à personne. En général, les gens retrouvent le plaisir oublié des choses simples après un burnout."

Sujet plus difficile à cerner, plus intime, L’homme pressé… n’est pas aussi éclatant et défini que l’excellent À l’ombre d’Hollywood. Reste-t-il une parcelle d’espoir dans ce portrait plutôt négatif de notre société? Sylvie Groulx croit que "l’espoir réside chez les plus jeunes générations, ceux qui n’ont pas peur d’imposer leurs limites; par ailleurs, on discute du phénomène en société, prenons par exemple ce projet de semaine de quatre jours. C’est donc dire qu’il y a une sérieuse prise de conscience." Souhaitons que les plus pressés d’entre nous prennent le temps d’aller au cinéma.

Voir calendrier
Cinéma exclusivités