Fellini: Je suis un grand menteur : Un homme et son génie
Cinéma

Fellini: Je suis un grand menteur : Un homme et son génie

Même quand on adore Fellini, on peut se demander ce qu’apportera de neuf un autre documentaire, l’oeuvre du maestro ayant été sondée sous tous les angles possibles. Pas si bête, ce Damian Pettigrew, documentariste écossais… Devenu ami avec Federico Fellini en 1983, il a réussi, un an avant la mort de ce dernier (1993), à enregistrer 10 heures de conversation, la plus longue et fructueuse entrevue accordée par le cinéaste, tout à fait enclin à décortiquer son art. Autant dire du bonbon pour aficionados.

Même quand on adore Fellini, on peut se demander ce qu’apportera de neuf un autre documentaire, l’oeuvre du maestro ayant été sondée sous tous les angles possibles. Pas si bête, ce Damian Pettigrew, documentariste écossais… Devenu ami avec Federico Fellini en 1983, il a réussi, un an avant la mort de ce dernier (1993), à enregistrer 10 heures de conversation, la plus longue et fructueuse entrevue accordée par le cinéaste, tout à fait enclin à décortiquer son art. Autant dire du bonbon pour aficionados. Et pour appuyer cette exploration artistique, Pettigrew sort de Cinecitta pour aller voir les locations extérieures des films de Fellini. L’idée est simple et excellente. On découvre des endroits précis: le port de Rimini, la plage d’Ostie, les palaces, les gares, un cimetière, une route de campagne qui, filmés sans intention, ne sont que des lieux géographiques, parfois beaux, mais souvent banals. Or, transformés dans la machine à rêver fellinienne, ces bouts de terre ressortent chargés d’âme. Et par ce stratagème (accoler au montage lieu réel et lieu réinventé), Pettigrew met en images l’étrange processus créatif du cinéaste fabulateur.

Car, d’emblée, Fellini se déclare menteur. Il filme ses fantasmes. Il se met en jeu. En termes simples, il parle de toutes les composantes de la construction artisanale d’un film (idées, mémoire, intuition, rêves éveillés, logistique, lieux, acteurs), et il s’avance sur le terrain de sa propre transformation: celle d’un homme qui devient un autre sur un plateau, habité par ses rêves, et rongé par la nécessité de les mettre en place. Il est possédé par ses films. Ce qui amène des anecdotes dingues, lancées sur un ton magnanime par feu Toscan du Plantier, fougueux par Roberto Begnini, et flegmatique par Terence Stamp (déboussolé dans Toby Dammit). Italo Calvino est énigmatique et les compagnons de travail, le scénariste Pinelli et le chef op Rotuno, placides. Le plus marquant reste Donald Sutherland, inquiétant Casanova, qui compare Fellini à un tyran qui craint par-dessus tout "sa propre superficialité"! Mastroianni n’est pas interviewé, mais il reste Guido, le guide, le double. Et le voir dans une scène inédite, au moment du tournage de La Dolce Vita, au plus fort de sa beauté nonchalante, c’est le rêve qui continue.

Cabotin mais avec une rhétorique éclairée, Fellini s’amuse à l’autoanalyse en scrutant cette cosmogonie terrienne et sensuelle qui est la sienne, marquée par la rébellion, l’enfance, les femmes, la religion et le fascisme. Toujours léger, il est sérieux quand il déclare que l’art, même sous sa forme la plus dure, est réconfortant pour l’homme puisqu’il lui permet d’appréhender sa condition. Ce n’est donc pas pour rien que Huit et demi, chef-d’oeuvre des chefs-d’oeuvre, est la pièce centrale de ce documentaire qui fouille au coeur de la création. Bref, on nage dans le faux pour dénicher le vrai, tout en sachant que c’est le génie qu’on débusque dans cette folie. Le document est précieux. Revigorant.

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