The Isle : L'appât
Cinéma

The Isle : L’appât

Méfiez-vous de l’eau qui dort, dit le proverbe, mais craignez surtout les hameçons, oserions-nous ajouter. Car l’apparente tranquillité régnant sur le lac enveloppé de brume de la belle Hee-jin (l’ancien mannequin Suh Jung) risque à tout moment de tourner au cauchemar. Dans cet univers onirique où le temps semble suspendu, les êtres humains sont réduits à l’état bestial; les dialogues se font des plus rares, les regards, insistants et le sexe, expéditif et violent. Ouvre à la fois repoussante et séduisante, The Isle, du Sud-Coréen Kim Ki-Duk (Birdcage Inn), raconte une histoire d’amour extrême qui fait fi de bien des tabous.

Méfiez-vous de l’eau qui dort, dit le proverbe, mais craignez surtout les hameçons, oserions-nous ajouter. Car l’apparente tranquillité régnant sur le lac enveloppé de brume de la belle Hee-jin (l’ancien mannequin Suh Jung) risque à tout moment de tourner au cauchemar. Dans cet univers onirique où le temps semble suspendu, les êtres humains sont réduits à l’état bestial; les dialogues se font des plus rares, les regards, insistants et le sexe, expéditif et violent. Quant aux vraies bêtes, elles sont réduites à satisfaire les instincts de cruauté de l’homme: poissons scarifiés ou asphyxiés, grenouille écorchée vive, chien battu et oiseau noyé. Ouvre à la fois repoussante et séduisante, The Isle, du Sud-Coréen Kim Ki-Duk (Birdcage Inn), raconte une histoire d’amour extrême qui fait fi de bien des tabous.

Louant des petites cabanes de pêche flottantes aux couleurs vives, la brutale et silencieuse Hee-jin distribue des appâts aux pêcheurs venus se retirer de la société. Les journées monotones de la jeune sauvageonne sont ponctuées par le va-et-vient des prostituées qu’elle doit mener en bateau vers les pêcheurs. Méprisant ses clients, à qui elle offre parfois ses charmes, la sirène maléfique surgit de l’eau sournoisement pour punir ceux-ci quand ils se conduisent mal. Kim Ki-Duk profite de cet écart de conduite pour briser l’ordre plastique des images avec la vue en contre-plongée sous-marine d’un homme qui défèque dans le lac. Choquant pour certains, ce plan s’avère bien inoffensif quand on le compare aux éléments sanglants qui lui succéderont.

Tout bascule lorsque survient Hyan-Shik (Kim Yoo-Suk), un jeune homme qui a assassiné sa femme après l’avoir surprise au lit avec son amant. Dès lors, Hee-jin devient obsédée par son nouveau client qui n’est pas indifférent aux avances de l’hôtesse. Mais bientôt, leur simple flirt prend la forme d’un dangereux jeu de pouvoir tenant du sadomasochisme. À l’instar de la nymphe Calypso, la belle ténébreuse veut retenir son homme auprès d’elle, quitte à éliminer tous les obstacles pour vivre pleinement cet amour aussi malsain qu’intense. D’ailleurs, une prostituée trop affectueuse l’apprendra à ses dépens.

Voyant des policiers investir le camp de pêche, Hyan-Shik s’empresse d’avaler des hameçons. Le drame romantique fortement empreint de symbolisme (l’homme est île pour la femme et vice versa, selon le réalisateur-scénariste) emprunte au film d’horreur; et l’imagerie poétique envoûtante verse dans le gore sans perdre pourtant de son attrait esthétique. Et même si le spectateur plus sensible aura envie de fermer les yeux à la vue d’un hameçon!

Ainsi, après l’avoir caché sous la cabane, Hee-jin repêche – si, si, si! – l’objet de ses fantasmes et retire tendrement les hameçons de sa gorge. Par la suite, ni Hyan-Shik ni Hee-jin ne pourront se défaire de cette alliance épineuse qui scelle leur destin: pour éviter la noyade, il n’aura d’autre choix que de saisir à pleine main l’hameçon que lui tend Hee-jin, qui, dans un geste désespéré, se l’enfoncera plus tard dans le sexe afin de faire revenir son amant prodigue. Une fable dérangeante et fascinante sur les rapports amoureux.

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