House of Fools : Les idiots
Cinéma

House of Fools : Les idiots

Dans un asile psychiatrique aux frontières de la Tchétchénie, des patients regardent avec ravissement un train passer. Parmi ce groupe hétéroclite aux allures de troupe de cirque ringard, incluant grosse femme et nain hirsute, se tient la belle Janna (pétillante Julia Vysotsky), une érotomane qui croit dur comme fer être la fiancée du chanteur rock canadien Bryan Adams… On a les fantasmes qu’on peut!

Dans un asile psychiatrique aux frontières de la Tchétchénie, des patients regardent avec ravissement un train passer. Parmi ce groupe hétéroclite aux allures de troupe de cirque ringard, incluant grosse femme et nain hirsute, se tient la belle Janna (pétillante Julia Vysotsky), une érotomane qui croit dur comme fer être la fiancée du chanteur rock canadien Bryan Adams… On a les fantasmes qu’on peut! Soudain, au son du train sur les rails succèdent les premières notes de la chanson-thème de Don Juan De Marco, Have You Ever Really Loved a Woman. Et Bryan Adams (le vrai de vrai!), tout endimanché et bien coiffé, apparaît alors entouré de danseuses espagnoles. Difficile de réprimer un fou rire.

Ce ne sont pas les ruptures de ton qui manquent dans House of Fools, d’Andrei Koncholavsky (Runaway Train, auquel il fait un clin d’oeil). Parfois amusantes, elles ne s’avèrent cependant pas toujours heureuses et encore moins subtiles. À l’instar de l’héroïne pathétique de Dancer in the Dark qui se projetait dans une comédie musicale, Janna empoigne son accordéon afin de fuir un monde aliénant. Les froides images bleutées prennent alors des teintes ensoleillées… et tout le monde danse! Et le beau Bryan de revenir chanter ad nauseam le même air.

Basé sur un fait réel, House of Fools raconte en quelque sorte le premier conflit opposant la Russie à la Tchétchénie, mais à hauteur de fous. Ainsi, contrairement à son drame anti-stalinien The Inner Circle, le réalisateur-scénariste, qui ne signe pas ici l’oeuvre de sa carrière, ne s’embarrasse pas longtemps de critique sociale. Lorsque les rebelles tchétchènes envahissent l’hôpital pour combattre l’armée russe, la satire politique fait place au naïf amour de Janna pour le soldat tchétchène Ahmed (suave Sultan Islamov), qui lui demande sa main à la blague. Seule la conversation entre le capitaine russe et le chef des Tchétchènes rappelle quelques faits historiques, telle la guerre de l’URSS contre l’Afghanistan. Déserté par le personnel infirmier, l’asile devient donc un no man’s land, joyeusement bordélique comme chez Kusturica, où les malades ignorent tout des enjeux politiques, même si la télévision rapporte des nouvelles du front. Couronné de deux prix à Venise, House of Fools, tout comme Le Roi de coeur de De Broca en 1966, révèle une métaphore du monde actuel où s’amalgament curieusement grotesque, drôlerie et tendresse.

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