Dabla! Excision : Rituels barbares
Cinéma

Dabla! Excision : Rituels barbares

Dans Mourir à tue-tête, d’Anne-Claire Poirier, une série d’images démontraient les humiliations vécues par les femmes. Parmi celles-ci, un groupe de femmes procédaient à l’excision du clitoris d’une fillette. Une rigole de sang entre les cuisses, la petite se relevait et effectuait péniblement quelques pas. Filmée de loin, la scène n’en était pas moins éprouvante. Pour sa part, la réalisatrice de Dabla! Excision, la Montréalaise ÉRICA POMERANCE, a décidé de ne pas mettre de gants blancs.

Les chiffres rapportés par l’OMS sont effarants. Chaque année, deux millions de jeunes filles subissent l’excision du clitoris, parfois l’ablation des petites lèvres, ou l’infibulation, pratique consistant à coudre les organes mutilés en ne laissant qu’un petit trou pour l’écoulement de l’urine et du sang menstruel. Ces rituels ont cours dans quelques pays d’Asie et 26 pays d’Afrique; mais à cause de la mobilité mondiale, on retrouve en Occident des femmes excisées, ainsi que des fillettes menacées de l’être par leurs aînées voulant perpétuer la tradition.

Venue d’Égypte, cette coutume ancienne était un rite de passage à l’instar de la circoncision des garçons; des croyances fautives sur la sexualité féminine ont pris une telle ampleur qu’elles se sont profondément ancrées dans les mentalités, tant chez les hommes que chez les femmes. Dans Dabla! Excision, des remarques empreintes d’ignorance crasse font dresser les cheveux sur la tête. Un homme prétend que si l’on ne coupe pas le clitoris, celui-ci poussera jusqu’aux orteils et fera de la femme une obsédée sexuelle; de vieilles exciseuses partagent cet avis.

Le combat s’annonce difficile pour Fatoumata Siré Diakité, présidente-fondatrice de l’Association pour le progrès et les droits des femmes maliennes (APDF). Cette femme courageuse a compris qu’il fallait attaquer le mal à la racine, c’est-à-dire en informant les habitants des villages des conséquences de l’excision. Ainsi, les Africaines ayant demandé asile politique en Europe et en Amérique ne seront plus contraintes de perpétrer ce rituel sur leurs filles.

De facture simple, le documentaire d’Érica Pomerance nous entraîne à Montréal, au Mali et au Burkina-Faso sur les traces de Fatoumata Siré Diakité et de ses alliées, dont la Québécoise Lilianne Côté. La cinéaste donne la part égale, autant à ceux qui s’opposent à la tradition qu’à ses partisans. À l’aide d’illustrations, de maquettes et de photos, les militantes énumèrent sans détour les nombreux traumatismes physiques que provoquent les mutilations génitales féminines (MGF). Sujet encore tabou, pas une femme excisée ne parlera véritablement des conséquences psychologiques.

Puis, un homme osera demander à voir en quoi consiste le rituel. Le choc est terrible pour le spectateur. Hurlant de douleur, une fillette de trois ans subit l’excision. Aucun détail ne nous est épargné. On peut contester le choix de la réalisatrice, mais il semble que cela soit un mal nécessaire pour faire passer le message chez les tenants de l’excision. Dabla! Excision se termine sur une note d’espoir: au cours d’une cérémonie, des exciseuses sensibilisées déposent les armes dans un panier. Une autre lutte vient d’être gagnée.

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