Marion Bridge : Femmes de personne
Cinéma

Marion Bridge : Femmes de personne

Qu’est-ce qui caractérise un film canadien? Quelles seraient les particularités nationales d’un film? À ce sujet, Téléfilm Canada et son directeur général semblent avoir des critères très précis; alors qu’en fait, on sait que cela tient plutôt de la magie. Le spectateur se reconnaît dans le miroir par des détails, une tonalité, un angle, une façon de parler, un bout de route… Avec Marion Bridge, par exemple, on sent tout de suite qu’on a affaire à un film canadien. Dans le sujet comme dans la façon de le traiter. Le film a d’ailleurs gagné le prix du Meilleur premier film canadien à Toronto en  2002.

Qu’est-ce qui caractérise un film canadien? Quelles seraient les particularités nationales d’un film? À ce sujet, Téléfilm Canada et son directeur général semblent avoir des critères très précis; alors qu’en fait, on sait que cela tient plutôt de la magie. Le spectateur se reconnaît dans le miroir par des détails, une tonalité, un angle, une façon de parler, un bout de route… Avec Marion Bridge, par exemple, on sent tout de suite qu’on a affaire à un film canadien. Dans le sujet comme dans la façon de le traiter. Le film a d’ailleurs gagné le prix du Meilleur premier film canadien à Toronto en 2002. Daniel MacIvor, auteur de la pièce de théâtre, a scénarisé son drame intimiste, qui parle de femmes, de secrets, et d’acceptation du passé; et pour un premier long métrage, la réalisatrice d’origine allemande Wiebke von Carolsfeld a fait dans l’intime silencieux. Le sens du secret familial, l’impossibilité de verbaliser le malaise: voilà une donnée nationalement partagée. Si, de plus, ce secret est d’ordre sexuel, on en fait des films. Agnès (Molly Parker) revient dans la région du Cap-Breton vers ses deux soeurs aînées, Theresa (Rebecca Jenkins) et Louise (Marguerite McNeil), au chevet de leur mère. Tension, alcoolisme, drogue, et un lourd secret qui se devine vite occupent alors le terrain. Trois femmes adultes apprennent à composer avec un passé qui implique aussi une jeune fille de 15 ans, Joanie (Ellen Page), qui veut connaître son vrai nom.

Trois femmes ensemble dans la maison familiale à combattre de vieux démons: Tchekhov n’est pas très loin. Toujours à la mode, les histoires de famille; celle-ci, jouée de façon conventionnelle mais néanmoins délicate, est un cadeau pour les actrices. Molly Parker et Rebecca Jenkins offrent toutes deux des performances justes et très sensibles, qui vont aller en crescendo jusqu’au moment où la souffrance, trop lourde, devra être partagée. Et en une scène émouvante, dans l’escalier, où l’on murmure le désir d’avoir une tasse de thé, éclate tout le désarroi de ces femmes.

Un film classique, somme toute, avec un happy end surprenant, voire difficilement crédible. Mais le film est ainsi construit, en constante progression où les soeurs vont apprendre à surmonter leurs peurs et à éliminer leurs systèmes de protection. Ce qui rend, bien sûr, le début du film plus intéressant que la finale, quand on n’a pas encore tout à fait saisi le pattern. Mais comme dans Jane Eyre, livre-témoin que lit Agnès à sa mère et que lit également la jeune Joanie, le bonheur se construit en effaçant successivement les couches de la misère; et l’on se rend vite compte de la c0nstruction par confrontation-pardon de cette pièce. Pour le reste, village oublié, bord de mer triste, alcoolisme et tout ce qui s’ensuit, tout se retrouve dans la couleur délavée de ce ciel. Les points forts de ce film restent, comme d’habitude dans la description de l’humanité ordinaire, dans les non-dits cachés sous les banalités échangées à une table de cuisine.

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