Mambo Italiano : Zuppa Inglese
Cinéma

Mambo Italiano : Zuppa Inglese

La pièce à succès est devenue un film. Tous les ingrédients sont là pour concocter une comédie romantique drolatique typiquement québécoise, et la recette est réussie.

Pas drôle, la comédie. Il est plus facile de pousser le bouton pour faire jaillir les larmes que de trouver celui qui déclenche la rigolade. Par exemple, Émile Gaudreault n’a pas fait rire tout le monde avec Nuit de noces, et Louis 19, roi des ondes (dont il était co-scénariste), mais il avait déjà la formule du populaire, le rythme du rire. Or, dès le deuxième long métrage, voilà qu’il s’affine, réussissant à s’éloigner de la farce lourdingue. Mambo Italiano tombe juste.

Bons ingrédients de départ pour cette soupe. On serait même tenté de dire que c’est du bio. On se souvient que la pièce Mambo Italiano a été écrite en 2001 par Steve Galluccio, qu’elle a été traduite de l’anglais au français par Michel Tremblay et qu’elle a connu un fort succès populaire. Galluccio a bien sûr travaillé sur l’adaptation cinématographique de sa pièce. Il fallait conserver les mêmes éléments: le prétexte (une histoire d’amour contrariée), un sous-texte (l’homosexualité dans une société machiste), un état d’esprit (les Italiens de Montréal, en deux générations d’immigrants) et un ton (l’exagération). En deux mots, Angelo est un agent de voyages qui rêve de devenir scénariste, Nino est son ami d’enfance devenu flic. Les deux décident de quitter le giron familial et de vivre ensemble. Les parents respectifs pensent qu’ils sont de bons colocataires, mais diable! ils sont amants. Quand le pot aux roses est découvert, certains voudront remettre les bambini sur "le droit chemin" et d’autres tenteront de sortir indemnes de la garde-robe. Déchirement sentimental dans la Petite Italie.

Comme toute bonne comédie, on s’appuie sur du tragique. On est à la croisée des genres et à la croisée des cultures; le bonheur est instable et volatil, et les larmes et les crises sont autant de rebondissements dramatiques nécessaires. Galluccio a transcrit avec ressort (et attendrissement, bien sûr) un monde qu’il connaît, qui est le sien. Pour surfer sur la comédie tout en gardant l’émotion du tragique, il fallait faire confiance à un casting en béton. Celui-ci est solide. Le couple Angelo (Luke Kirby) et Nino (Peter Miller) est crédible, les deux acteurs jouant avec sincérité leurs tourments respectifs. En mamma, Ginette Reno remplit toujours le mandat, s’accordant plutôt bien avec un Paul Sorvino souvent décalé. Claudia Ferri est parfaite dans le rôle de la soeur accro aux pilules, et Mary Walsh (This Hour Has 22 Minutes) gagnerait à apparaître plus souvent. Sophie Lorain est aussi hystérique que dans Les Invasions barbares, mais on ne sait pas trop ce que font Pierrette Robitaille et Dino Tavarone, plantés dans le potager, en faire-valoir du couple Reno-Sorvino, représentant sans doute la couleur locale.

La couleur, justement, est à la mode. Un kitsch amélioré. En passant au cinéma, la pièce a encore pris de la couleur. Alors, inévitablement, on pense aux tics et à la palette picturale d’Amélie Poulain: début du film avec des flashs tragicomiques sur l’enfance bafouée, mise en place d’une ambiance familiale précise qui conduit droit au dysfonctionnel et à la psychanalyse, et look général hyper-saturé. Dans les costumes (Francesca Chamberland), les coiffures (Ginette Lajeunesse), le maquillage même (Christiane Fattori) et, bien sûr, la déco surchargée en extérieur comme en intérieur (Patricia Christie): tout concourt à la surenchère. Mais, encore là, on joue avec ce kitsch, on pousse la caricature visuelle et les clichés. On force l’exagération, processus qui sera mis au jour en finale quand il y aura présentation de la pièce dans le film. Et, paradoxalement, on trouve une image de Montréal plutôt fidèle.

Le film est léger, mais le miroir est bon. Loin d’être un film à thèse sur l’homosexualité, on trouve en filigrane les repères d’une société relativement évoluée à ce sujet; on retrouve aussi les briques blanches des maisons de Saint-Léonard et de la Petite Italie, l’aisance culturelle et la drôle d’appartenance de ceux et celles qui ici parlent trois langues, la rigueur quasi extrémiste des Ital0-Canadiens nés en Italie, bloqués dans l’évolution des moeurs, et même leurs rapports à l’Amérique, où le Canada n’a pas la même aura que les USA!

Bref, on se sent chez soi, loin de la lourdeur paillarde du Placard, plus proche d’un Chasing Amy populo que de Pédale douce. En évitant la pesanteur culturelle du Mariage de l’année, Mambo Italiano se positionne comme une comédie sentimentale canadiennement calibrée…

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