Berlin is in Germany : Réunifications
En septembre 1989, Martin Schulz (Jörg Schuttauf) voit dans sa cellule la chute du mur de Berlin, à la télévision. Onze ans plus tard, il a plus que purgé sa peine, celle d’avoir tué accidentellement un officiel de la République démocratique allemande. Il ne reconnaît plus la ville unifiée, son argent de l’époque – portant la bonne bouille de Marx – se fait lamentablement régurgiter par une machine distributrice, ses repères sont flous car bien des artères furent rebaptisées, et des nouveaux bâtiments se dressent partout. Et, le comble, son ex-femme (Julie Jäger) vit avec un autre gaillard (Robert Lohr), et il n’a jamais vu son fils de 11 ans, Rokko (Robin Becker).
Berlin is in Germany de Hannes Stöhr pourrait se la jouer facile et sombrer dans le drame pur; pourtant, on est saisi de joie de constater que le réalisateur, frais émoulu des écoles de cinéma, détient le talent de construire un récit où l’empathie pleine d’espoir l’emporte. C’est vrai que le parcours de Martin n’est pas lisse et sans crevasses, et que sa route en demeure une de reconstruction; il retrouve du "familier transformé" et doit s’adapter rapidement à ce monde où les sonneries des cellulaires le font sursauter. Par chance, trois vieux potes de taule lui donnent un coup de main, trois illustrations des ressortissants de la R.D.A.: on a Peter (Tom Jahn) le malheureux, déclarant que même les immigrants sont choisis avant eux pour les boulots; Victor le braqueur (Valentin Platareanu), propriétaire d’un peep-show qui croit qu’on fait ce qu’on peut vu les circonstances; et Enrique le Cubain (Oscar Martinez), un chauffeur de taxi réglo et heureux. Toute cette ménagerie d’ex-prisonniers participe aux tribulations de Martin pour qu’il retrouve sa place dans sa ville. Et Schuttauf livre la marchandise dans une prestation archi-solide, à la fois laconique et coriace; ce prolétaire creuse son sillon, haussant les épaules devant les événements, mais sachant exactement quand tirer la ligne. Un être attachant, complexe, dont on ne peut que prendre le parti, lui souhaitant le meilleur. On a la sensation que l’auteur ne voulait pas s’embourber dans des considérations de style: il a opté, et c’est tant mieux, pour une vision réaliste de l’insertion de ce "dernier Allemand de l’Est", comme l’annonce un article écrit spécifiquement sur le cas de Martin. Tout ce travail invisible de rapprochement humain fait en sorte que notre attention ne s’égare jamais, que l’on demeure rivé sur la raison d’être du film: une étude de moeurs berlinoise. Et l’on comprend mieux le sort de ces ex-communistes.
Dans l’ensemble, Berlin is in Germany est une expérience très satisfaisante pour ceux qui accueillent à bras ouverts ces productions européennes où le fond importe plus que la forme. On saupoudre tout ça d’un peu d’humour pour garder le ton lumineux et on a une finale enlevante en prime. Cela mérite des accolades. Comme l’évoque le titre, il faut parfois unifier à nouveau des évidences pour bien comprendre la complexité de la vie.
Voir calendrier
Cinéma Exclusivités