La Fleur du mal : Sans épines
CLAUDE CHABROL signe son 54e film. Il ne fait donc rien de nouveau, il fignole. Avec La Fleur du mal, il vient de trouver une autre pièce, comme un collectionneur.
On pense qu’il en a déjà plein des comme ça en boutique, mais non: il y a une nuance, une avenue, un détail qu’il n’avait pas encore découvert. Et ça valait la peine, même si l’objet n’est pas fantastique.
Dans La Fleur du mal, on tourne autour de l’idée de culpabilité transmissible génétiquement et de bourgeoisie indéracinable. Le titre baudelairien colle bien. Les concepts sont échafaudés sur une construction incroyablement solide, tellement qu’elle en est mathématique, voire passablement ennuyeuse. Comme dans les romans de Balzac, pour tout comprendre, il faudrait un arbre généalogique. Disons ici qu’il s’agit d’une famille de notables bordelais, dont un ancêtre, collabo, a fait assez de tort pour qu’aujourd’hui un tract haineux circule en ville, à la veille d’élections municipales. Le fils (Benoît Magimel) revient tout juste d’un séjour de trois ans aux États-Unis. Il retrouve son père (Bernard Le Coq), pharmacien dilettante; sa belle-mère (Nathalie Baye), qui se présente à la mairie; sa grand-tante Line (Suzanne Flon), vieille dame au lourd passé; et surtout sa demi-soeur Michèle (Mélanie Doutey), qu’il aime vraiment beaucoup.
Comme Hitchcock, Chabrol a toujours aimé quand tout concorde, quand tous les éléments se répondent. Et quand ça forme une symétrie, c’est encore mieux: deux familles entrelacées, deux meurtres et une fautive; deux maisons, la lumineuse et la dramatique, etc. Rien n’est innocent: on dévoile des secrets dans l’ambiance moite d’un jardin d’hiver; le fils offre une batte de base-ball à sa demi-soeur; ladite jeune fille traite du poids de la faute dans son devoir de psycho… Voilà un exercice amusant de désossage. Même ce qu’ils mangent (et ce qu’ils boivent; nous sommes près de Bordeaux et chez Chabrol!) devient signifiant. Et comme Hitchcock, Chabrol aime brouiller les pistes (le fameux tract) et ne pas donner toutes les clés. Or, si les notables de province, bourgeois et vulgaires, sont parfaits – disons que Chabrol a de la pratique -, notamment lors d’une visite politique réjouissante dans des HLM, on reste sur sa faim, un peu agacé par ce polar psycho glacé, relativement mal joué, où l’écriture des dialogues, qui ne diffusent que du sous-texte, distille plus l’ennui que le venin.
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