Rivers and Tides: Andy Goldsworthy Working with Time : La beauté du geste
Cinéma

Rivers and Tides: Andy Goldsworthy Working with Time : La beauté du geste

À la façon des maîtres de la photographie, l’artiste anglais Andy Goldsworthy met en scène ce qu’il voit, et fixe l’intention sur pellicule. Mais la ressemblance s’arrête là: ce qui importe n’est pas tant le cliché que la construction, l’objet photographié. Le cadre est le souvenir (et le moyen de vivre pour l’artiste) de cet art qu’est la mise en forme de la nature. Goldsworthy est un sculpteur de l’environnement, maître du Land Art. Ses oeuvres, éphémères mais certaines, faites pour résister au temps, sont précieusement conservées et appréciées dans le monde entier. L’année dernière, lors du FIFA 2002, avait été présenté le film de Thomas Riedelsheimer sur Goldsworthy, Rivers and Tides. Un superbe documentaire.

Une fois installé dans la position contemplative, on est presque triste de savoir que ce film va devoir se terminer, et déçu que telle sculpture disparaisse sous nos yeux, comme ces peintures rupestres ancestrales qui s’effacent au contact de l’air dans le Roma de Fellini. Ici, la magie est complète. Le réalisateur du documentaire a passé plus d’un an avec l’artiste, et il sait comment filmer ses constructions, et nous donner le suc de cet art, ses meilleurs angles, sa plus belle mise en lumière. On a droit à une version du monde comme si un artiste l’avait conçu. Goldsworthy pige des feuilles, des brindilles, des pétales, des pierres plates, de la neige et de la glace, et il construit: ses célèbres pommes de pin, ses oeufs géants emportés par la marée; ses serpents végétaux qui entourent les arbres, le jaune des pétales qui éclaire un puits dans une rivière et les arches de pierre qui semblent à la fois solides et ultra-fragiles. De la glace, il fait des serpentins et des lignes brisées; de la pierre, il fait de la poudre pulvérisée; d’un fouillis de couleurs, il ordonne un arc-en-ciel. Le rendu n’est pas "naturel", et toutes ses sculptures sont mises en ordre d’un chaos. Mais est-ce vraiment cela? Dans cet incroyable jaillissement d’idées serrées dans un documentaire, dans l’émerveillement de cette apparente simplicité, on se prend à douter de ce que justement veulent dire les mots ordre, chaos ou nature! La chose est troublante, car il suffit parfois d’un rien pour que Goldsworthy transforme un état en art, en poésie, en intention. Sa forme humaine séchant sur la pierre après qu’il s’est allongé durant une averse ou les fantômes de neige qui apparaissent dans le tourbillon du vent, dernière scène du film, sont saisissants. L’artiste voit, et nous, nous restons confus et aveugles. Goldsworthy n’explique pas sa démarche. On aura compris qu’elle se promène entre l’instinct, l’immédiat, l’enfance conservée, la passion et le respect de la nature, et une bonne connaissance des lois de l’architecture et de la peinture. Drôle de type qui fait des efforts énormes pour l’éphémère et la beauté du moment. Et c’est pénible de le voir recommencer avec calme et patience une construction complexe, alors qu’elle est vouée à la destruction. Très vivant et bien philosophique que tout cela. Mais la beauté du geste est grandiose.

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