La trilogie de Lucas Belvaux : Les vies parallèles
Cinéma

La trilogie de Lucas Belvaux : Les vies parallèles

Le Belge LUCAS BELVAUX propose une trilogie originale sur la façon d’envisager la vie avec humour, peur et larmes, avec sérieux et sans voyeurisme. Exercice de style et d’acteurs.

Tout a à voir avec le choix. Cela s’appelle mise en scène au cinéma, et manière de voir le monde dans la vraie vie. Lucas Belvaux, acteur belge devenu réalisateur (Pour rire!), a fait le pari de réunir les angles de vue en une trilogie. C’est à la fois marrant et lassant. Ce qu’on va découvrir au fil des histoires, on l’anticipe ou on le prémédite, servira à remplir les cases dans un cadre donné. Il n’y a pas de nouvelles avenues comme dans un format de type Smoking/No smoking de Resnais. On serait plutôt dans l’optique du Quatuor d’Alexandrie de Durrell. Trois fois la même histoire, trois angles, trois façons de voir.

Mais là où l’écrivain jouait la carte mystère et l’exotisme, là où il tournait autour d’un noeud, le réalisateur belge préfère le quotidien et fait de la chronique ordinaire une sorte de comédie humaine cinématographique. Nous sommes à Grenoble, et l’on regarde s’agiter un groupe de gens plus ou moins intimes durant 5 jours. Les trois films ont des genres différents. Cavale est un polar; Un couple épatant est une comédie et Après la vie, un mélodrame. Alors que dans le dossier de presse le réalisateur propose cet ordre pour voir sa trilogie, il semble qu’il ait été bousculé à la distribution. On a préféré ouvrir le bal avec la comédie, plus facile. Cela donne donc Un couple épatant cavale après la vie. Est-ce un bon choix? Pas sûr, sans doute, qu’importe. Le meilleur choix reste de voir les trois dans la foulée, moyen idéal pour apprécier la démarche originale de l’auteur, pour le jeu des acteurs et pour boucher les défauts de l’un avec les qualités de l’autre.

Un couple est chaque fois en vedette, les amis et connaissances seront les personnages principaux des autres films. Dans Un couple épatant l’improbable union entre François Morel (acteur français déjanté qui a fait grimper les cotes d’écoute de Canal Plus avec Les Deschiens) et Ornella Muti (immuable bombe sexuelle italienne) est en péril. Ils s’aiment mais le jour de l’anniversaire de son mari, Cécile (Muti) sait que son mari, Alain (Morel), lui ment. Que cache-t-il? Chassé-croisé délirant où l’on va vite décoller de la réalité pour surfer sur les suppositions paranoïaques de l’un et de l’autre. Ce premier opus, drôle par la présence de Morel et de son naturel maladroit, s’éternise. Or, malgré les méandres trop longs, on salue déjà l’ingéniosité du récit. Le pari est réussi: Belvaux a rendu comique une situation quasi alarmante où le fantasme aurait pu être néfaste. Le film pourrait être sous-titré par "comment se boucher les yeux pour rendre compliquer une histoire simple".

Évidemment, la lourdeur se dissipe film après film. Dans Cavale, le polar, on plonge dans la vie d’une collègue de lycée de Cécile, prof elle aussi: Jeanne (Catherine Frot) voit ressurgir un ancien compagnon de ses années de militantisme, Bruno Le Roux (Lucas Belvaux), en fait bras armé d’une faction révolutionnaire terroriste fraîchement évadé de prison. Il a 15 en retard, et pense que la lutte est à continuer, alors que les flics sont à ses trousses, et que ses compagnons sont morts ou calmés. Il est rescapé par une prof, amie des deux autres, Agnès (Dominique Blanc), morphinomane. Enfin, dans le troisième, Après la vie, on s’attarde avec douleur et sentiment sur le couple formé par cette prof accro à la morphine, et son mari, inspecteur de police, Pascal (Gilbert Melki) qui doit en même temps rattraper le terroriste en cavale, supporter la souffrance de sa femme et suivre en filature le mari de la belle Cécile. Tout se met en place.

C’est peut-être parce qu’il arrive en dernier, qu’il éclaire les zones d’ombre et qu’on en a un peu marre de cette chronique grenobloise qu’on préfère le dernier film; mais c’est aussi parce que ce drame roule sans anicroche, rappelant les bons mélos français des années 70-80, et que le casting est impeccable. Solide dans les trois, il s’épanouit ici: Gilbert Melki, le caïd hâbleur de La vérité si je mens, est très convaincant, avec force et sensualité. Un acteur à découvrir. Et Dominique Blanc reste une des meilleures.

Chaque film a ses codes d’accès: ombres et silences pour Cavale, clarté et espace pour Un couple épatant et caméra serrée et confidences pour Après la vie; chaque film se dissocie des autres et peut être vu à l’unité et chacun développe un thème autour des choix et des responsabilités. Enfin, tous forment une somme de travail énorme et sans tâches. On aura longuement insisté pour nous faire comprendre que la vie est drôle et triste en même temps et que chaque histoire vaut la peine d’être contée. D’où ce léger ennui, peut-être.

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