Owning Mahowny : Mise en jeu
Avec Owning Mahowny, Richard Kwietniowski propose un fascinant regard clinique sur le jeu pathologique.
L’an dernier, deux documentaires à caractère humain portant sur le jeu pathologique chez les jeunes et les moins jeunes, Jeux d’enfant$ de Johanne Prégent et Maudite machine! de Biz et Christian M. Fournier, donnaient la parole aux victimes de ce problème social. Tantôt drôles, tantôt émouvants, très souvent aberrants, les témoignages rendaient compte avec force de la passion dévorante qui anime les joueurs. Adaptation du best-seller Stung de Gary Ross, lui-même basé sur un fait divers ayant fait les choux gras des journalistes en 1982, Owning Mahowny de Richard Kwietniowski (Love and Death on Long Island) propose, à l’inverse, un regard clinique sur le jeu pathologique.
Étonnant personnage que celui de Dan Mahowny (Philip Seymour Hoffman), employé modèle dans une banque de Toronto. Refusant d’admettre qu’il est un joueur pathologique, il avoue simplement à sa conjointe trop compréhensive (Minnie Driver) qu’il a des problèmes d’argent. Sous prétexte de se libérer de ses dettes, Dan détourne de l’argent à même la marge de crédit de ses clients. Mais plutôt que de rembourser les milliers de dollars qu’il doit à un bookmaker surveillé par la police (Maury Chaikin), il ira tout flamber dans un casino d’Atlantic City dirigé par un homme peu scrupuleux (impeccable John Hurt) qui le traite comme un roi. À la fin, Dan aura fraudé la banque de 10,2 millions de dollars.
Owning Mahowny déroute. Bien que l’on se retrouve dans le monde clinquant et bruyant des casinos, l’univers que dépeint le réalisateur semble gris, sans âme, figé dans le temps. L’approche privilégiée par Kwietniowski s’avère froide, presque détachée. L’attention qu’il porte à son personnage n’est ni complaisante ni condescendante. Dan, interprété avec une retenue magistrale par Seymour Hoffman, n’est pas un joueur comme les autres. À la banque comme au casino, il demeure le même homme fade et insignifiant qui repousse toutes les tentations qu’apporte l’argent. Avec une rigueur d’entomologiste, le réalisateur capte les gestes et expressions de Dan qui, même ravagé par la fièvre du jeu comme un personnage de Dostoïevski, demeure à peu près imperturbable. Owning Mahowny suscite aussi le malaise. Les nombreuses prises de vue des caméras de surveillance, provoquant un effet de voyeurisme, renforcent la solitude de cet homme qui s’enfonce avec la complicité des autres. Une fascinante étude de caractère.
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