Swimming Pool : Brasse coulée
Cinéma

Swimming Pool : Brasse coulée

"Ce n’est pas tant que François Ozon s’amuse à brouiller les pistes, et nous jouer tous les tons de la gamme de Sitcom à Gouttes d’eau sur pierres brûlantes, de Sous le sable à Huit femmes. Ang Lee le fait aussi, et très bien. Mais Ozon semble encore se chercher dans le dédale. Sûrement n’est-il pas le caméléon décrit, et derrière les apparentes différences de genre, il y a un style qui se prête aux changements et la signature d’un dandy doué, superficiel et chromo. Et de film en film, on reconnaît une ironie ouverte dans la manière de traiter d’un sujet. Parfois ça passe, quand il se dépouille (ou quand il va dans le gras des choses, c’est selon), avec Sous le sable; mais parfois ça grince, comme avec Swimming Pool, son dernier film présenté en compétition au dernier Festival de Cannes.

En regardant Swimming Pool, on part dans un jeu de piste d’influence et de réminiscence. On ramasse un air d’Été meurtrier par-ci, un bout de La piscine de Deray par-là. Mais aussi le polar british de vos dernières vacances, celui qui se laissait aller à plein de clichés. Car, en plus des souvenirs d’ailleurs, ce film baigne dans le convenu. On y parle d’une écrivaine britannique plus toute jeune, Sarah (Charlotte Rampling, à l’épreuve du temps), qui fuit Londres pour aller se ressourcer dans la maison de campagne provençale de son éditeur. Elle est bien sûr mal fagotée, coincée, frustrée, sévère et originale (elle se nourrit de fromage blanc et force sur le scotch). La paix des lieux sera perturbée par l’arrivée incongrue de la fille de l’éditeur, Julie (Ludivine Sagnier), le contraire de Sarah. Jeune, française, et assez à l’aise avec son corps de Bardot pour changer de partenaires chaque nuit et faire dorer sa plastique parfaite sur le bord de la piscine quand vient le jour. Le jour et la nuit, le yin et le yang, les deux femmes se détestent, mais vont finir par s’apprécier. Un crime, ça soude n’importe qui.

En plus de ses deux caricatures qui alimentent les vues fantaisistes d’un bord et de l’autre de la Manche, on retrouve le jardinier servile qui marmonne, le beau gars à la buvette qui en a dans le pantalon, le patron cynique et un rien fourbe (Charles Dance); sans parler d’une piscine très bien nettoyée, qui est un élément graphique de choix pour un metteur en scène, et la Provence l’été, décor ""sensualité à l’état sauvage"" sur-utilisé… un amas de clichés. Le reste est un polar mutin, ou une canaillerie sophistiquée, où une première partie dramatique plutôt délicatement menée (le vieux père, la panne d’écriture, l’alcool) qui tombe en miette parce qu’accolé à un truc sexué vulgaire qui bouge au rythme des déhanchements de la blonde. On aura compris, très tôt et avec lourdeur (scotch-fromage blanc puis vin rouge et petite culotte) que le réveil sexuel et littéraire de l’une se fera au contact de l’autre.

Les dames s’en sortent plutôt bien, Rampling est reine dans ce genre de frustration saphique, et Sagnier explose de blondeur, une santé qui a du charisme à l’écran. Mais leur rôle respectif reste maigre, trop rapidement dessiné pour un roman-photo; les dialogues endorment toute excitation, et le scénario stylisé (pourtant concocté par Emmanuèle Bernheim, aussi responsable de celui de Sous le sable) n’arrive pas au fini glacé d’un Hitchcock. Encore une autre influence, sans l’ombre d’un doute.

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