Satin rouge : Drôle de dames
Cinéma

Satin rouge : Drôle de dames

On pourrait facilement regarder ce film avec des yeux d’ici, reconnaissant les différences culturelles, spirituelles et sociales entre "elles" et "nous", déplorant leurs frustrations et nous rangeant du côté de l’égalité des sexes assumée. On pourrait regarder Satin rouge avec la tête. Mais si l’on est une femme de plus de 40 ans, pas sûr qu’on s’en sorte aussi froidement. Occidentale ou pas. On aurait même tendance à avoir la démarche chaloupée en poussant la porte de sortie… Peut-être parce qu’il existe encore ce truc universel, énergie non contrôlable également partagée par les dames et rarement mise en scène: les forces conjointes du désir et de la sexualité à l’heure des pattes d’oie! Au pire, c’est une bombe atomique dans certains coins du globe; au mieux, toujours la source d’un certain embarras, d’une blague, d’une joue rougissante ou d’une nouvelle coupe de cheveux.

Une jeune réalisatrice tunisienne (31 ans), Raja Amari, ex-étudiante de la FEMIS à Paris, a pris le pari de la sensualité avec son premier long métrage, Satin rouge. L’héroïne Lilia (Hiam Abass, déjà vue dans le Gône du Shabaa et l’Ange de goudron) accumule la quarantaine grise, un récent veuvage, une vie solitaire à Tunis, une famille dans le bled, une voisine fouineuse et une fille, Salma (Hend El Fahem), qui est amoureuse. Lâchant la télé et le tricot, Lilia se met à suivre le petit copain de la belle Salma, musicien dans un cabaret. Poussant la porte de l’antre, Lilia y découvre des filles trop maquillées, avec des soutiens-gorge à paillettes, la cigarette au bec, et des types debout qui frappent des mains en cadence, jetant des dinars sur celles qui se déhanchent avec talent, sueur et frénésie contrôlée. Ainsi commence la double vie de Lilia, danseuse de nuit et respectable de jour.

De ce drame, qui se terminera en happy end avec sourdine, chronique silencieuse d’un instant de vie, on retient plusieurs choses. D’abord que les femmes ont des courbes, de la chair, et des plis, et qu’on en fait pas une crise de Botox. Ensuite, que la danse du ventre est plus qu’un ballet érotique, mais un moyen de communication terrien et ancestral. Et puis qu’on soit dans les rues de la Médina, sous les ponts couverts de Madison County ou dans le jardin propret de Far From Heaven, le drame romantique féminin se joue partout avec la même intensité. Suffit de savoir bien regarder et cette réalisatrice a fait éclore son héroïne avec talent.

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