Choses secrètes : Le sexe faible
Quand il y a du talent, cherchons la constance. Là où il y avait une âpreté rare dans De bruit et de fureur et une froide obsession dans Noce blanche, on peut se demander de quel genre d’honnêteté est fait Choses secrètes, le dernier film de Jean-Claude Brisseau. Le cinéaste toujours en marge, celui qui ne fait pas dans le faux-semblant et semble loin de l’entourloupe, a transposé ses questionnements au niveau du sexe. Voilà donc deux filles (Coralie Revel et Sabrina Seyvecou) qui veulent grimper dans l’échelle sociale en manipulant les hommes jusqu’à ce qu’elles tombent sur plus fort qu’elles. Sur un canevas qui convient autant à Sade qu’aux exploits d’Emmanuelle, Brisseau construit une structure logique composée des éléments habituels de l’exercice: la poursuite du pouvoir qui s’accompagne de transgression (sociale, sexuelle, morale et sacrée), et dont les échelons sont la recherche du plaisir, l’assouvissement des désirs, l’érotisation généralisée, et, en dommages collatéraux, les feux de la passion. On peut trouver à ce film du machiavélisme raffiné, entrevoir des comparaisons avec Les Liaisons dangereuses et du glacé à la Buñuel; démontrer qu’il constitue une nouvelle étape dans l’infini sexuel, avec un lyrisme suranné qui n’a plus cours pour imager ces choses dites secrètes. Mais on peut également être spectateur d’un roman-photo cheap qui n’a de frontal que la platitude des fantasmes de son auteur.
Avec le parti pris d’un réalisme non daté, en sourdine de toutes les modes comme un soft porn de série B, Choses secrètes n’aboutit à rien d’autre qu’à la prétention de nous faire croire qu’un cliché, c’est aussi de l’art. Peut-être, mais quel ennui. À se demander ce qu’il y a de pire – ou de plus risible – dans ce film raté: la pauvreté des fantasmes masculins (fascination pour la jouissance féminine, les dessous noirs, les lesbiennes et les scènes d’orgies accompagnées de musique baroque); ou des comédiens qu’on aimerait justes comme chez Bresson alors qu’ils sont juste mauvais; ou la façon impérieuse, rabâchée par voix off, de devoir suivre cette fable ne nous laissant pas le plaisir de la recherche intellectuelle et encore moins celui de l’excitation; ou encore cet insupportable sérieux pour filmer des cuisses lisses. Ses théories fumantes de vieux moralisateur sont caduques en images depuis Kubrick, Reiser, Greenaway et Hitchcock. On vient juste de prendre un voyeur sur le fait, la main dans le pantalon.
Voir calendrier
Cinéma Exclusivités