The Magdalene Sisters : L’insoutenable méchanceté de l’être
S’inspirant de témoignages réels, The Magdalene Sisters (Les Soeurs Madeleine) raconte l’horrible vie de quatre jeunes femmes dans l’Irlande des années 60, exilées puis enfermées pour expier leurs fautes respectives.
1964, comté de Dublin en Irlande. Alors que le monde voit l’émergence des mouvements de libération féminine, des institutions de l’Église catholique irlandaise continuent à brimer des jeunes filles dans leurs droits les plus fondamentaux. Deuxième long métrage de Peter Mullan, The Magdalene Sisters (Lion d’or, Venise 2002; prix "Discovery", Festival international de Toronto) a soulevé l’indignation du Vatican. Un drame psychologique sublime et terrifiant, qui ne laissera personne indifférent.
S’inspirant de témoignages réels, le film raconte le drame vécu par quelque 30 000 femmes, victimes d’une société irlandaise ultra-catholique. Désavouées par leurs familles parce que considérées comme moralement dangereuses, ces jeunes femmes ont été enfermées dans des Magdalene Homes, institutions de redressement gouvernées par des religieuses à la poigne de fer. Pour expier leur faute (et quelle faute…), elles travaillent 10 heures par jour comme blanchisseuses, dans des conditions misérables, sans jamais être payées ni avoir de contact avec le monde extérieur. Fondées au XIXe siècle, ces institutions ont été maintenues par le pouvoir clérical jusque dans les années 70.
Après avoir vu un documentaire sur le sujet, Peter Mullan voulut rendre justice à ces blanchisseuses exploitées, souvent abusées. Son film est une fiction incendiaire, nous faisant plonger dans la vie de quatre jeunes filles incarcérées dans ces couvents-prisons. Margaret (Anne-Marie Duff) pour avoir été violée par son cousin, Bernadette (Nora-Jane Noone) parce qu’elle attise trop la convoitise des hommes, Rose (Dorothy Duffy) pour avoir eu un enfant hors mariage, Crispina (Eileen Walsh), qui est simple d’esprit. Nous sommes au coeur d’une société patriarcale où la femme paie pour les vices des hommes.
Sans jamais tomber dans le sentimentalisme ou le mélodrame, Peter Mullan dépeint cette atteinte à la dignité humaine dans toute son horreur. La mise en scène sobre, classique, rend toute l’austérité d’un univers où la cruauté est effroyable parce que sans place pour le remords. Scène atroce où les religieuses font parader nues les jeunes recluses, s’amusant à comparer la taille de leurs fesses, leurs seins, leur pilosité.
Mullan dresse le portrait d’une société irlandaise endoctrinée au point de ne plus avoir conscience de la logique perverse qu’elle applique. Logique pareille à celle des pires génocides, réprimant la vie dans ses moindres élans et menant à une inhibition totale. Cet univers peut paraître trop manichéen, mais le réalisateur se situe du point de vue de jeunes filles à qui il veut rendre justice.
Qu’elles s’enfoncent dans le silence, la passivité, la fureur ou la folie, les jeunes actrices sont toutes sensationnelles. Geraldine McEwan en Soeur Bridget nous offre une incarnation du Mal dans toute sa complexité. Seul bémol, la fin du film, un peu trop rocambolesque.
Un drame d’une noirceur redoutable, témoignant d’une rage de vivre exceptionnelle.
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