And now… Ladies & Gentlemen : La voix du coeur
Cinéma

And now… Ladies & Gentlemen : La voix du coeur

Trois ans après l’abominable Une pour toutes, Claude Lelouch le prolifique diviseur de camps, l’aiguiseur de nerfs, autant par le pompier que la longueur de ses productions, nous présente And now… Ladies & Gentlemen. Un autre chassé-croisé de hasards et de coïncidences (le même disque rayé qui saute), d’hommes et de femmes que le destin rapproche comme si la vie portait une signification précise. Pour l’effet de surprise, il compte sur Patricia Kaas, la chanteuse à la voix graveleuse, endossant son premier rôle au cinéma. Un personnage pas très loin d’elle, une chanteuse de jazz, question de ne pas décevoir les fans et de ne pas trop désorienter la pauvre. En contrepartie gentleman… cambrioleur, le plus que fiable Jeremy Irons (se faisant rare ces années-ci), calé confortablement dans une production aussi peu demandante, jonglant lestement avec les déguisements de ce débonnaire videur de bijouteries de luxe. En trame de fond, Madame et Monsieur souffrent d’épisodes d’amnésie qui feront en sorte que leur rencontre sera fatidique. Au rendez-vous, les grands espaces de la mer et du désert marocain.

Lelouch, maintenant distribué par les Américains, bâtit un pont entre l’anglais et le français par le bilinguisme, et, étrangement, cet aspect coule bien; Kaas et Irons dialoguent dans les langues de Molière et de Shakespeare sans que ça gêne. Quant à elle, on pourrait comparer ce saut cinématographique aux performances d’un Bruel ou d’un Souchon: ni mauvaise ni remarquable, elle est acceptable, et puis après un certain temps, on s’habitue. N’empêche que Lelouch utilise sa voix dans la trame sonore et à l’écran, il y a toujours trace des racines. Comme dans nombre de ses films, certains moments décollent: scènes de vol pétillantes, hold-up hilarants, pareils aux entourloupes d’un Arsène Lupin. Par contre, bien des rôles secondaires ne resteront pas en mémoire. Ainsi, on gaspille Thierry Lhermitte en skipper, Claudia Cardinale en milliardaire italienne et Ticky Holgado en entraîneur, autant d’entités sommairement brossées. Restent nos principaux acteurs, plus souvent qu’autrement hébétés, feignant ces trous de mémoire, devant prendre la décision de s’en remettre à la science ou au mysticisme pour guérir ce mal entre les oreilles. And now… Ladies & Gentlemen pouvait difficilement être pire que le dernier film de Lelouch, il n’en reste pas moins que l’on oubliera vite ces deux heures quinze passées en salle.