Cinemania : La vie devant soi
Cinéma

Cinemania : La vie devant soi

Voilà des années qu’ils voient entre deux et cinq films par jour, courent d’un cinéma à l’autre, organisent leurs journées en fonction du moment magique où la lumière s’éteint et la pellicule épouse l’écran. Ils collectionnent livres, vinyles, photos, gadgets, vieux tickets de cinéma dans le bazar de leurs petits appartements. Fassbinder, Godard, Fellini régissent leurs vies. Des passionnés? Non… des fanatiques pour qui compte une seule chose: ingurgiter un maximum de films. Dans Cinemania (prix du meilleur documentaire au Festival International de Hamptons 2002), Angela Christlieb et Stephen Kijak (Never Met Picasso) nous présentent l’univers de cinq cinéphiles new-yorkais pour qui le septième art est devenu dépendance, pathologie, trouble obsessionnel. Un documentaire proposant une réflexion fine et captivante sur le pouvoir de l’image.

Guichetiers, ouvreurs, programmateurs de salles: tout le monde les connaît. Les cinq sont célibataires et accumulent les manies bizarres. Bill, pseudo-philosophe, explique comment il doit nettoyer ses lunettes, jamais assez propres pour aller au cinéma. Jake, lui, s’astreint à une diète afin d’éviter d’aller aux toilettes durant les projections. On oscille entre rire et malaise en suivant le périple quotidien de ces excentriques pour qui le cinéma n’est plus quête de transcendance artistique, mais littéralement "substitut à la vie", moyen d’échapper à la réalité. Pouvoir hypnotique de l’image… Écran-éclipse où tout est plus beau, plus grand, plus fort. Ces cinq ciné-maniaques ont choisi de se couper du monde, de rêver leur vie plutôt que de la vivre.

Le ton du film est juste. Aucun mépris ou condescendance dans le regard porté sur ces individus, aussi farfelus soient-ils. On regrette seulement que les réalisateurs ne s’attachent pas davantage à l’intimité de ces personnages. Sans faire dans le voyeurisme, on aurait aimé connaître davantage le mal de vivre à la source de cette obsession. Cinemania lève le voile sur un monde inusité mais reste trop en surface, dressant le constat d’une excentricité qui ne se révèle jamais dans son essence.

Le tout reste intelligent et bien ficelé, avec pour toile de fond New York, grande capitale du septième art. Les cinéphiles reconnaîtront une part d’eux-mêmes dans ces curieux personnages (dans une moindre mesure…), les autres apprécieront l’honnêteté de ce regard tragicomique sur d’intarissables rêveurs.

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