Les Temps modernes : Démonter la mécanique
Cinéma

Les Temps modernes : Démonter la mécanique

En cet été record de sequels, prequels, spin-offs et remakes, quoi de mieux pour se rafraîchir les idées que de réviser ses classiques? Après Le Dictateur, voilà que nous arrive, pour notre plus grand plaisir, la version restaurée d’un irrésistible chef-d’oeuvre de Charles Chaplin, Les Temps  modernes.

"Un récit sur l’industrie, l’initiative individuelle et la croisade de l’humanité à la recherche du bonheur", dixit le carton initial, qui demeure d’actualité. Fruit des observations et des inquiétudes du réalisateur à propos de l’industrialisation, ce film de 1936, marquant la dernière apparition du petit vagabond à l’écran, dénonce sur un mode comique mais diablement efficace le taylorisme, du nom de l’Américain F.W. Taylor, auteur de La Direction scientifique des entreprises, portant sur l’organisation scientifique du travail.

Rien qu’en évoquant le titre, des images impérissables reviennent à l’esprit, comme Charlot avalé par l’engrenage de la terrible machine, son visage barbouillé par l’auto-mangeoire; ou le sourire lumineux de la belle gamine (Paulette Goddard) distribuant à des fillettes affamées des bananes volées. L’usine où Charlot travaille à en perdre la raison rappelle l’univers futuriste du Metropolis de Fritz Lang, alors que l’omniprésence du patron préfigure le Big Brother du roman d’anticipation 1984 de George Orwell. Illustrant avec éloquence les ravages de la Grande Dépression dans la société américaine, Les Temps modernes n’en demeure pas moins un film rempli d’espoir: le dernier plan nous présente un Charlot qui ne sera plus jamais seul pour affronter les affres du monde moderne; dorénavant, il pourra compter sur une compagne aussi charmante que débrouillarde.

À l’instar de son personnage, Chaplin fait ce qui lui plaît de la technologie; bien que le cinéma parlant ait fait son apparition en 1929 (The Jazz Singer avec Al Jolson), l’artiste signe un film muet en y ajoutant un accompagnement musical et des effets sonores préenregistrés. À l’exception de la voix de Charlot, improvisant directement une chanson en charabia franco-italien, les rares voix humaines passent par le filtre d’un écran de télé et d’un phonographe. Pour faire passer son message, Chaplin n’a pas besoin de discours. Dans ce monde déshumanisé, Charlot, anarchiste et poète malgré lui, brise le ballet mécanique de l’usine par ses gestes maladroits mais gracieux. Une grande leçon de cinéma et d’humanisme.

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