Dirty Pretty Things : Secret d'état
Cinéma

Dirty Pretty Things : Secret d’état

Dirty Pretty Things , de STEPHEN FREARS (Dangerous Liaisons, High Fidelity), conjugue drame social et suspense, dans une histoire où les immigrants illégaux deviennent des cibles de choix pour abus en tous genres. Échange de bons procédés.

Entre son boulot de chauffeur de taxi et son poste de réceptionniste de nuit dans un hôtel de Londres, Okwe, un immigrant illégal (Chiwetel Ejiofor, solide et authentique), s’accorde quelques heures de répit sur le divan de Senay, une réfugiée turque (Audrey Tautou sans Amélie Poulain). Sa condition, déjà difficile, se complique toutefois davantage lorsqu’il fait la découverte d’un coeur humain dans la cuvette d’une des chambres. Devant l’indifférence, voire la volonté de passer l’événement sous silence de son supérieur (Sergi Lopez, convaincant malgré un rôle forcément typé) et l’impossibilité pour lui d’appeler la police, il décide de mener discrètement l’enquête. Mais, peu à peu, l’étau se resserre autour des deux compagnons d’infortune, devenus plus proches l’un de l’autre, tandis que Senay, poursuivie par des agents de l’immigration, voit sa situation se dégrader au point d’envisager le pire, et qu’Okwe, ayant percé le mystère de l’organe abandonné et trahi sa véritable identité, se retrouve devant un dilemme déchirant.

Ici, le drame social et le suspense entrent en véritable synergie. Ainsi, tandis que l’intrigue repose sur la clandestinité des personnages, l’aspect critique, lui, s’appuie sur le manichéisme propre au thriller pour faire ressortir certaines aberrations. De l’adversité entre bons et méchants naît en effet non seulement la tension, le danger, mais aussi un plaidoyer. Et si l’on déplore que la frontière entre le bien et le mal ne demeure pas plus floue, comme lorsque Lopez argumente pour sa cause, on apprécie d’heureuses nuances, comme le fait que la menace vienne de partout, y compris des autres immigrants.

Par ailleurs, bien que le scénario de Steven Knight explore tout un monde parallèle, avec ses solidarités et ses dissensions, il n’en donne pas pour autant dans le portrait hyper-réaliste, préférant raconter une histoire, avec ses rebondissements, son inventivité, son caractère inhabituel et captivant. Ce faisant, il en profite toutefois pour recenser les différents types d’abus auxquels les immigrants clandestins sont exposés, à travers des cas de figure souvent révoltants, toujours efficaces, tout en exploitant dans une perspective de mystère les inconnues entourant les motivations et le passé des personnages. Quant à l’histoire d’amour, elle a le mérite de toucher, sans jamais devenir convenue.

Dans leur lutte pour la survie – qui donne d’ailleurs son ton au film, une manière de détermination dans l’épreuve, illustrée notamment par l’obstination d’Okwe à rester éveillé -, on sent les héros presque trop parfaits, mais aussi vivants et humains. De sorte que l’on est confrontés à un singulier mélange, où l’on perçoit à la fois les contrastes marqués servant le propos et l’intrigue, de même que les subtilités tendant à les atténuer, à coller davantage au réel. Un parti pris dualiste qui s’affirme jusque dans la conclusion, à la fois heureuse et malheureuse, victoire sur un plan en même temps que confrontation au fait que rien n’a vraiment changé sur l’autre.

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