Lost in Translation : Perdus dans l'espace
Cinéma

Lost in Translation : Perdus dans l’espace

Tokyo, la nuit. Défilé de gratte-ciel aux néons multicolores. Effervescence d’une ville insomniaque. Pour l’étranger qui débarque, victime du décalage horaire, l’existence prend une nouvelle tangente. Dans un état second, il erre, au sens propre comme au figuré, seul et incompris. Privé de tout repère, le voilà perdu. Mais en même temps, tout devient possible… Pour Bob Harris (un Bill Murray en pleine possession de ses moyens, à la fois ironique et émouvant), acteur sur le retour de passage au Japon pour le tournage d’une publicité, et Charlotte (Scarlett Johansson, solide dans sa sobriété), jeune femme délaissée par son mari débordé de travail, ce sera le point de départ d’une rare complicité. Entre leurs réflexions existentielles réciproques, le rapprochement ira de soi.

On parle souvent de film d’atmosphère lorsqu’un réalisateur arrive à créer un climat particulier, à imposer un rythme qui lui soit propre. Mais, même si cela est vrai pour Lost in Translation, il faudrait plutôt parler ici de film d’humeur, car c’est non seulement dans une ambiance, mais plus précisément dans un état d’esprit que nous plonge la réalisatrice. Un espace-temps revisité, où le dépaysement est total, même psychologique, même émotif. Et offrant le potentiel d’une rencontre à la fois éthérée et si paradoxalement vraie. Plus qu’un ailleurs fascinant, c’est ainsi une relation faisant figure d’exception, et donc d’autant plus précieuse et intense, que nous présente l’oeuvre.

Renouant avec l’approche sensible et juste qu’on lui connaissait déjà, Coppola (The Virgin Suicides) prend pour ce faire le temps de bien installer ses personnages, posant sur chacun un regard empathique et intimiste, aussi crédible d’un point de vue que de l’autre, même si l’identification à Charlotte apparaît plus évidente du fait que le film s’inspire des voyages nippons de la réalisatrice au même âge. Un froncement de sourcil, une tenue négligée, la moindre expression, le moindre détail parlent. On rit, on est touchés, mais surtout, on partage la vie de ces personnages; on est aussi des étrangers, perdus, déphasés. Un décalage qui s’exprime également à travers d’intéressants contrastes visuels et musicaux, qu’on pense seulement à ces plans splendides où la jeune femme domine la ville s’étendant à perte de vue depuis la fenêtre de la chambre d’hôtel.

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