Moi, César, 10 ans 1/2, 1 m 39 – Entrevue avec Richard Berry : À hauteur de petit homme
Moi, César, 10 ans 1/2, 1 m 39, deuxième film de RICHARD BERRY, nous rapporte instinctivement à notre propre enfance, à nos ébauches d’amours, aux histoires inventées, à nos premières frustrations et incompréhensions de toutes sortes. Rencontre avec le réalisateur et co-scénariste.
Tourné avec une caméra placée à 1 m 39 du sol, Moi, César, 10 ans 1/2, 1 m 39 de Richard Berry raconte les tribulations d’un gamin, le rondouillard César Petit (formidable Jules Sitruk, découvert dans Monsieur Batignole de Gérard Jugnot), qui envie les muscles de son meilleur ami Morgan (naturel Mabo Kouyaté) et qui en pince pour la plus jolie fille de l’école, Sarah Delgado (charmante Joséphine Berry, fille du réalisateur). Alors que l’Antoine Doinel de Truffaut mentait, César interprète la réalité à sa façon, d’où une suite d’amusants quiproquos. Livrés avec vivacité en voix hors champ, les propos du garçon font immanquablement sourire tant ils sonnent juste et nous renvoient à notre propre enfance: "Richard Berry est un perfectionniste, raconte avec admiration Jules Sitruk. Parfois, il me faisait répéter la même phrase pendant plus de deux heures! C’est ce qui est bien quand on travaille avec un réalisateur qui est aussi acteur, il sait toujours quand on peut aller plus loin."
Deuxième film de Berry (L’Art (délicat) de la séduction n’est jamais sorti au Québec), Moi, César… dénonce gentiment le manque de communication entre enfants et adultes; il est cependant regrettable que les parents de César (Jean-Philippe Ecoffey et Maria de Medeiros, laissés à eux-mêmes) fassent figure de caricatures. Même si son récit ne casse rien, Berry prouve qu’il a un bon sens de l’image.
La première scène du film où tous les parapluies s’ouvrent en même temps rappelle la chorégraphie d’ouverture des Parapluies de Cherbourg, vouliez-vous rendre hommage au réalisateur qui vous a le plus marqué? Berry, qui a joué dans le drame musical de Demy Une chambre en ville, répond entre deux bouchées de pop-corn bruyamment mâchées: "Si c’est le cas, je l’ai fait inconsciemment! Et je vais tout de suite aller revoir ce film! En fait, je suis un formaliste, je me sens plus attiré par le cinéma américain que français. J’aime beaucoup Demy et Truffaut évidemment, mais je me sens plus influencé par Carol Reed, Alfred Hitchcock et Orson Welles." Sans doute pour cela qu’on voit autant de plafonds dans Moi, César…! Ce n’est pourtant pas à Welles que l’on songe, mais plutôt à Jean-Pierre Jeunet façon Amélie Poulain lorsque défilent ces jolies images de Montmartre au son de la musique de Reno Isaac, laquelle ressemble trop à celle de Yann Tiersen.
Après avoir épuisé le récit amoureux, Moi, César… s’essouffle péniblement en seconde partie alors que les trois camarades mettent le cap sur Londres afin de retrouver le père de Morgan; ils y rencontreront, entre autres, une mamie nouveau genre (insolite Anna Karina), la seule qui prendra les enfants au sérieux. Lorsqu’on lui rappelle que la majorité des critiques français lui ont reproché cette rupture de ton, Berry bondit littéralement de sa chaise: "Vous, les critiques, vous n’êtes que des imbéciles, pardon, mais c’est comme ça! Vous ne faites que des comparaisons et quand vous ne retrouvez plus vos références dans un film, vous êtes perdus et vous trouvez ça mauvais! Cette fuite à Londres est la recherche du père: ce n’est pas un récit d’aventures à la Club des cinq, car ça n’a rien d’héroïque, bien au contraire… et ce n’est pas un Jules et Jim juvénile non plus! D’ailleurs, si j’avais fait uniquement une histoire de triangle amoureux, les critiques m’auraient reproché d’étirer la sauce. Pourquoi ne pas accepter simplement que c’est un nouveau film qui s’appelle Moi, César…?"
Pourrait-on dire aussi que cette escapade à Londres est une métaphore de la crise d’adolescence? "Mais oui, voilà!" s’écrie l’homme avec emphase avant de se rasseoir. Ouf! La belle bête s’est calmée. N’empêche qu’en bout de ligne, la même impression persiste: Moi, César…, malgré toutes les bonnes intentions de Berry, qui a puisé dans ses souvenirs d’enfance, s’avère un film à moitié réussi.
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