The Weather Underground : La loi du talion
"Quand vous croyez détenir la vérité, vous pouvez faire des choses assez horribles." Cette réflexion de Brian Flanagan, ancien membre du Weather Underground, résume assez bien le coeur de ce documentaire: jusqu’où peut-on aller pour défendre ses idéaux? Vous croyez que les années 60 sont synonymes de peace and love? Eh bien pas toujours… Voici une fascinante fenêtre ouverte sur une période presque oubliée de l’histoire politique des États-Unis.
Dans The Weather Underground, les cinéastes Sam Green et Bill Siegel se penchent sur un épisode qui a secoué les États-Unis dans les années 60 et 70. The Weather Underground était un groupuscule radical d’étudiants, déterminés à se venger de ce qu’ils considéraient comme des agressions commises par les États-Unis, tel le racisme, mais surtout la guerre au Viêt Nam. Ils étaient de bonnes familles, jeunes, blancs, intelligents, articulés et extrêmement charismatiques. C’est après avoir constaté l’échec des actions non violentes (les marches pour la paix, les pétitions…) qu’ils entreprirent de semer la terreur en faisant exploser des bombes artisanales dès qu’à leurs yeux une exaction était commise. Ils s’attaquaient à des symboles du système américain comme le Capitole et le Pentagone, mais en prenant grand soin de ne jamais blesser personne. Leur slogan était "Bring the war home!" afin que les Américains comprennent que leur pays menait une guerre injuste en saccageant le Viêt Nam alors qu’eux préparaient paisiblement leur souper. Une ancienne membre du groupe affirme qu’à l’époque, ne pas réagir équivalait à cautionner le gouvernement américain et cela constituait, à leurs yeux, la "vraie violence".
Ayant littéralement déclaré la guerre interne, prônant la révolution et ayant fait s’échapper de prison le gourou de la drogue Timothy Leary, ils devinrent rapidement des héros de la contre-culture, des "Bonnie and Clyde". Les leaders du groupe figurèrent pendant plus de 10 ans au "top 10" des personnes les plus recherchées par le FBI et jamais ils ne furent découverts. Ils se livrèrent aux autorités à la fin des années 70. De plus, l’ironie voulut que l’agence fédérale doive abandonner ses poursuites, car lors de ses investigations, elle utilisa des méthodes pour le moins douteuses.
Brillamment réalisé, le film relate la vie de l’organisation, de sa création à sa dissolution, en s’appuyant sur une impressionnante quantité de documents d’archives. Il a également le mérite de situer les événements dans le contexte mondial. Ainsi, on nous rappelle qu’à la même époque, des révolutions éclataient partout: à Cuba, au Japon, en Chine, au Congo. Mais la véritable force du film réside dans les nombreux témoignages d’anciens membres du groupe. Trente ans plus tard, ils se racontent, tantôt mélancoliques, tantôt repentants, mais toujours de façon intelligente, sans jamais tomber dans le noir ou le blanc. C’est d’ailleurs entre ces deux pôles que se situe tout le documentaire, dans la zone grise, sans parti pris. Un film passionnant qui se regarde comme un thriller d’espionnage, mais duquel émanent de grandes questions, spécialement en cette période trouble de guerre en Irak et de terrorisme. Bref, à la fois un cours d’histoire et de philosophie.
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