Rencontres internationales du documentaire de Montréal : Télé-réalité
La scène, tirée de L’Argent, d’Isaac Isitan, se passe en Argentine, lors de la récente et terrible crise financière qui secoua le pays. Une députée parle: "Comme il est clair que la situation ne changera pas, je suggère aux responsables d’avoir au moins l’honnêteté d’enlever notre drapeau et de le remplacer par celui-ci." Ce faisant, elle étend le stars and stripes et va le porter sur le bureau du président de la Chambre.
Un autre extrait, venant cette fois de Modes de mort, de Patricio Henriquez, montre un vieil homme sculptant un petit coffre en bois dans son atelier. L’homme raconte en voix hors champ qu’un jour, lorsqu’il travaillait sur le coffre en question, le téléphone sonna. "Que fais-tu, p’pa?" "Oh, hésite l’homme, je ne sais pas si je devrais te le dire. Bon, d’accord, je fabrique la boîte qui contiendra tes cendres." Il parlait à son fils qui attendait l’exécution de sa peine de mort, prévue pour le surlendemain.
Ces deux documentaires font partie des 94 oeuvres présentées dans le cadre des Rencontres internationales du documentaire de Montréal, du 14 au 23 novembre. Les films sont séparés en cinq sections: Caméra au poing, Parcours intimes, Territoires du réel, Dossiers noirs et Premières oeuvres québécoises. Deux régions, le Chili et Israël-Palestine, profitent d’une vitrine spéciale. Un atelier sur l’histoire de la production documentaire à l’ONF et cinq tables rondes ont également lieu pendant la durée des Rencontres, tout comme une exposition des photos de Zahra Kazemi, la photographe de 55 ans assassinée en Iran l’été dernier.
Pour cette sixième édition, les films proviennent d’une vingtaine de pays. "À travers cette sélection, expliquent Bernard Boulad et Jocelyne Clarke, responsables de la programmation, c’est l’ensemble des expériences humaines, dont les cinéastes se sont faits les témoins, qui sont dépeintes, qu’elles aient été vécues intimement ou dans la confrontation des idées et des forces sociales et politiques qui régissent la marche du monde."
Les forces sociales et politiques qui façonnent la réalité, Patrick Chauvel pourrait en parler longtemps. Photographe de guerre pendant plus de trois décennies aux quatre coins de la planète, il a récemment troqué les images fixes contre le documentaire. Son sujet de prédilection: les conflits et leurs ramifications infinies. Les Rencontres lui rendent hommage en présentant cinq de ses films, dont plusieurs ont été tournés en Israël. Son Rapporteurs de guerres traite d’ailleurs du métier de photo-reporter en zone de conflit.
Pas besoin d’aller au bout du monde pour être fasciné par la réalité. Le Québécois Benoit Pilon en donne la preuve, lui qui a pris son épicier de quartier comme sujet dans Roger Toupin, épicier variété, présenté en ouverture des Rencontres vendredi. Sur un Plateau Mont-Royal maintenant branché, l’atmosphère de cette vieille épicerie ramène un lot de nostalgie et, curieusement, de fraîcheur.
Que ce soit ici ou ailleurs, dans le regard d’une kamikaze palestinienne ou dans celui d’un horloger de 40 ans qui, à cause d’une maladie, conserve l’aspect d’un adolescent (L’Horloge interne, de Frank Wimart), toutes les raisons sont bonnes pour s’intéresser aux multiples formes que peuvent prendre les destinées des êtres humains.
Rencontres internationales du documentaire de Montréal
Du 14 au 23 novembre
Info: ridm.qc.ca; (514) 705-0501