Sylvia : Dérive solitaire
Plaines brumeuses d’Angleterre. Deux jeunes passionnés de poésie et de littérature se rencontrent lors d’une soirée donnée par une prestigieuse université. Entre eux, la symbiose est immédiate, fulgurante. Ils se marient presque tout de suite. Histoire d’amour empreinte de fatalité et de déchirures…
Le dernier film de la réalisatrice Christine Jeffs (Rain) nous plonge au coeur des années 50, racontant le destin tragique de Sylvia Plath (Gwyneth Paltrow), poète et romancière américaine de renommée internationale (récipiendaire posthume du prix Pulitzer en 1982). Sylvia a 30 ans lorsque, par un rude hiver de 1963, après un tumultueux mariage avec le poète Ted Hughes (Daniel Craig), elle commet l’irréparable, mettant fin à ses jours.
Le film propose une marche vers cette mort inextricable. Il s’ouvre avec une certaine vigueur, mais a tôt fait de s’éloigner de ce qui faisait l’originalité du sujet, évinçant la poésie, le souffle de l’oeuvre de l’écrivaine. Plutôt que de choisir une approche s’intéressant au travail véritable de l’artiste, le scénariste John Brownlow a réduit Sylvia Plath à sa jalousie obsessionnelle, trait de caractère maladif, qui détruit peu à peu son mariage avec Ted Hughes. Le processus artistique, les tourments, la ferveur d’une écriture qui se débat contre une société oppressante, qui jouxte la mort, ne sont qu’esquissés, réduits à l’élémentaire. Le film ne s’intéresse pas assez à la personnalité complexe de l’auteure, s’enfonçant dans un pathos, un trop-plein d’émotions mélodramatiques qui manque de relief, d’ambiguïté.
Outre ce côté réducteur du scénario, Sylvia fait preuve de certaines fautes de goût. On regrette notamment que, dans le cadre d’un film sur la poésie, la quête de silence, d’absolu, on nous colle de la musique mur à mur – celle du compositeur Gabriel Yared, à qui l’on doit entre autres la trame de The English Patient – qui, surlignant les émotions, leur ôte souvent profondeur, subtilité. De même en est-il de répliques telles que: "J’ai l’impression que Dieu parle à travers moi", qui témoignent d’une manière éminemment clichée, superficielle, de l’inspiration de l’artiste.
Rien à redire pourtant sur l’interprétation des acteurs qui font ce qu’ils peuvent avec les moyens du bord. Gwyneth Paltrow, surtout, lumineuse dans son amour passionnel, ses névroses, sa tristesse. La photographie aussi est soignée, réussissant à saisir l’atmosphère grise, austère de cet univers.
Reste que les amoureux de Sylvia Plath seront déçus par ce portrait romancé, qui ne témoigne en rien de la vie ni de l’oeuvre d’une auteure qui marqua son siècle. Les autres devront se contenter d’un mélodrame qui a ses qualités, et ses défauts…
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