FIX: Une ville sous influence – Entrevue avec Nettie Wild : Ciné-réalité
Cinéma

FIX: Une ville sous influence – Entrevue avec Nettie Wild : Ciné-réalité

En racontant l’histoire d’un groupe de toxicomanes de Vancouver réclamant l’ouverture d’un site d’injection sécuritaire, FIX, de NETTIE WILD (A Place Called Chiapas), a participé à changer les choses. Point de vue d’une réalisatrice dont le cinéma s’est fait catalyseur.

"Je ne voulais pas faire un film seulement sur ce qui allait mal à Vancouver, explique Nettie Wild. En découvrant ces gens qui étaient prêts à franchir un grand pas et à prendre des risques pour essayer d’ouvrir un site d’injection sécuritaire, j’ai réalisé que c’était un sujet vraiment important. Et j’ai pensé: "Ils vont ouvrir le site dans quatre mois; c’est une histoire avec un début, un milieu et une fin; ça ferait un beau documentaire." Finalement, j’ai tourné pendant 18 mois, j’avais 350 heures de pellicule [dont plus de la moitié filmées en solitaire], mais pas de site d’injection sécuritaire! Et j’ai réalisé que ce n’était pas ce que j’étais en train de filmer, que je faisais plutôt le portrait de la naissance d’un mouvement social."

En effet, non seulement FIX pose-t-il un regard saisissant sur le problème de la drogue à Vancouver, mais il fait aussi le récit d’une bataille, celle du Vancouver Area Network of Drug Users (VANDU) et du maire conservateur Philip Owen pour l’ouverture d’un site d’injection sécuritaire. Une saga qui se révèle surtout à travers le parcours de ses principaux protagonistes, Dean Wilson, président du réseau de toxicomanes, lui-même héroïnomane, et Ann Livingston, activiste déterminée et croyante ne touchant pas à la drogue. "Je trouve que les histoires de gens essayant de prendre le contrôle de leur vie sont les drames qui présentent les enjeux les plus intéressants", affirme la réalisatrice.

Pour elle, un documentaire se construit d’ailleurs de la même façon qu’un long métrage de fiction: "Ce sont les mêmes éléments qui entrent en jeu, vous suivez des personnages qui vous plongent dans une situation, des conflits, à ceci près qu’il s’agit de vraies personnes et que je n’influence jamais l’action, spécifie-t-elle. Ma première responsabilité, en tant que réalisatrice, concerne le drame. Dans FIX, il n’y a pas beaucoup de données sur la toxicomanie; ce qui est plus fort, c’est quand vous avez un couple comme Ann et Dean, que vous n’êtes pas sûrs de leur relation. Ils sont au lit, elle le regarde et l’échange réside dans l’expression de leurs visages. C’est là que vous pouvez utiliser le langage cinématographique pour porter l’histoire plus loin sur le plan émotionnel. C’est un langage qui va rejoindre n’importe qui, même celui qui ne s’intéresse pas à la toxicomanie. Parce que tout le monde sait ce que c’est, dans un couple, que d’avoir confiance ou de se méfier de quelqu’un."

De même, on sent chez elle une volonté d’approfondir ses "personnages", qui ne demeurent jamais monolithiques. "Souvent, le premier visage que vous voyez est ordinaire, pas vraiment dramatique, remarque-t-elle. Mon travail est de dépasser cette première impression pour pénétrer sous la surface et être capable de révéler au public une réalité plus subtile." Par exemple, le maire l’a bien surprise. "Je suis allée l’interviewer davantage par sens du devoir, admet-elle, et il m’a demandé: "Vous voulez aller dans le Downtown Eastside?" J’ai dit: "OK." L’instant suivant, nous y étions et tous les toxicomanes le connaissaient par son prénom, il savait combien l’héroïne et la cocaïne coûtaient, etc. On avait jugé cet homme, on l’avait stéréotypé." De la même façon, Wild a tenu à parler aux opposants au projet, dont on voit qu’elle a respecté l’opinion. Malheureusement, peu ont répondu à son appel. "Ç’a été difficile pour moi parce que ce qui est vraiment important, c’est de comprendre toutes les personnes impliquées", observe-t-elle.

Enfin, c’est en partie grâce au film qui en a fait l’enjeu de la dernière élection que Vancouver voyait naître, il y a deux mois, le premier site d’injection sécuritaire en Amérique du Nord. "Avoir le privilège de filmer la naissance d’un mouvement social dans sa cour est déjà passionnant. Mais voir le film jouer un rôle majeur dans l’élection d’un nouveau gouvernement, c’est sensationnel. C’était vraiment excitant d’être dans une salle de cinéma pleine de gens et de sentir que le débat suscité par son cinéma influence les autorités et leurs décisions."

Chaque projection sera suivie d’un forum en compagnie de Nettie Wild, Dean Wilson et Philip Owen, notamment.
Du 21 au 27 novembre
Au Clap

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