

Les Messagers : Contre le confort et l’indifférence
Vanessa Quintal
Photo : Philippe Lavalette
L’idée de départ est noble et vaut à elle seule le détour: présenter des artistes engagés, qui chacun à leur façon, certains risquant même jusqu’à leur vie, se battent pour un monde plus humain. En mettant leur art au service de leurs semblables, de la Bosnie à la Tchétchénie, en passant par le Rwanda et l’Afrique du Sud, ils font de la barbarie leur principal ennemi.
La réalisatrice Helen Doyle nous emmène à la découverte de six artistes principaux et de quelques autres dénichés au fil des rencontres. Certains travaillent directement sur le terrain comme Nigel Osborne (compositeur de la très belle musique du film), qui mit sur pied une méthode de thérapie musicale pour les enfants bosniaques traumatisés par la guerre, ou encore Susan Sontag, qui monta la pièce de Beckett En attendant Godot sous les bombes et les tirs de Sarajevo assiégé. Alors que d’autres oeuvrent du côté de la conscientisation telle Dominique Blain. Artiste visuelle de réputation internationale, elle affirme vouloir dénoncer "notre confort et notre indifférence" face aux grandes tragédies de l’humanité. C’est également le cas d’Ernest Pignon-Ernest qui, de Lyon à Soweto, tapisse les murs des villes de magnifiques dessins, véritables cris du coeur des opprimés.
Malheureusement, on se perd à travers ces nombreux personnages et lieux dispersés aléatoirement à travers la trame du film. Les artistes et les images auraient bien mérité plus de sous-titres explicatifs, ce qui aurait réduit cette impression de confusion. De plus, les transitions ne se font pas sans heurt. L’utilisation abusive de fondus enchaînés et la présence trop nombreuse d’images qu’on dirait sorties de nulle part (images noir et blanc depuis un autobus, d’autres de laveuses, de bords de mer…) dérangent et rendent la structure du film brouillonne. On a finalement l’impression que la réalisatrice a voulu trop en dire plutôt que d’exploiter à fond les très beaux personnages sur lesquels elle se penche. Certains doux moments d’émotion et de magie sont abruptement interrompus pour passer trop rapidement à d’autres propos. Comme cette larme qui mouille la joue d’une chanteuse tchétchène ou alors ces regards, ces silences vite abrégés qui auraient permis au film de respirer un peu plus et d’être plus introspectif. Il s’agit tout de même d’un effort louable qui ravive l’espoir en l’humanité et qui appelle, comme le font ces artistes, à ne pas se fermer les yeux.
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