Master and Commander : Seul maître à bâbord
Cinéma

Master and Commander : Seul maître à bâbord

Le réalisateur australien PETER WEIR fait dans l’éclectique. On le connaissait pour ses films Gallipoli, Green Card, Dead Poets Society, The Truman Show… Il s’est cette fois lancé dans un projet des plus ambitieux: adapter Master and Commander, la saga de romans historiques du défunt Patrick O’Brian, avec comme figure de proue le flamboyant RUSSELL CROWE.

"J’aime faire des choses complètement fraîches, différentes, quand je me lance dans un projet, explique Peter Weir. Chaque film est une nouvelle expérience où je peux faire des erreurs. C’est ce risque qui me plaît. Dans le cas de Master and Commander, le travail d’adaptation a été difficile. Le danger était de tomber dans une suite d’anecdotes. Or, ce qu’on voulait faire, avec John Collee (coscénariste), c’était un film sur deux hommes avec une mission à accomplir."

Weir a ainsi réuni Russell Crowe et Paul Bettany, qu’on avait déjà vus côte à côte dans A Beautiful Mind. Crowe incarne Jack Aubrey, capitaine charismatique et viril d’un vaisseau britannique de quelque 197 âmes, naviguant sur les eaux des côtes brésiliennes à une époque où les guerres napoléoniennes font rage. Le film s’ouvre sur une attaque soudaine et violente du vaisseau par un bateau de la marine française. Commence alors un chassé-croisé entre les navires, course-combat au nom de la mère patrie, mais aussi de la fierté démesurée du capitaine Aubrey. À bord, le docteur Stephen Maturin (Paul Bettany), un naturaliste doux et humaniste, s’occupe de soigner les blessés. Scènes d’amputations, d’extractions de balles, avec des moyens rudimentaires, se succèdent alors de façon peu ragoûtante.

Pour Weir, il ne s’agissait cependant pas de s’intéresser à ces seuls combats sanglants, mais de faire une fresque de la vie à bord. "Une grande partie de mon plaisir, à la lecture des livres, venait du respect de la période historique, de l’attention au détail. Alors je me suis dit que dans le cadre de mon adaptation, je devais reproduire la justesse de cet univers pour le spectateur. Pour moi, c’est devenu une sorte d’obsession de l’authenticité, et j’ai encouragé tous les départements de la production à travailler dans le même sens." Chose réussie. Les nombreux effets spéciaux, transparents, se fondent dans le décor afin qu’on adhère le plus possible à la réalité.

Russell Crowe explique: "Pour Peter, le plus important, c’était surtout de respecter l’esprit du livre concernant les deux personnages, d’explorer les relations humaines telles qu’elles étaient sur le bateau, plus que ce qui se passait vraiment dans l’action." Le réalisateur corrobore: "Ces deux hommes sont très différents. Stephen, c’est l’homme des lumières, l’humaniste, tandis que Jack est un guerrier, un combattant. Je pense qu’ils se complètent bien. Ensemble, ils créent une sorte d’équilibre original… C’est donc une drôle de petite démocratie qu’on a à bord de ce vaisseau."

Un important travail aura été fait pour rendre l’esprit de camaraderie propre à cet univers. Russell Crowe raconte: "Nous avons vraiment voulu créer une ambiance particulière durant le tournage. J’ai dit à Peter Weir que je voulais que dès que les gens mettent les pieds à bord, ce soit clair pour eux qu’ils s’étaient engagés dans la marine. On a aussi travaillé à rapprocher tout le monde en faisant des compétitions de rugby le week-end. Il était important d’établir cet esprit de camaraderie et que j’y participe, de façon à ce que quand je m’adresse à mes hommes sur le pont du bateau, ils soient déjà à l’aise avec moi… Ça rendait les choses plus faciles. Peter était tout à fait d’accord là-dessus, parce que c’est un réalisateur compétent, ouvert."

Paul Bettany conclut: "Je trouve que c’est bien de réussir à faire un film d’action qui présente de véritables êtres humains… Cela n’arrive pas souvent au cinéma. Weir a réalisé un film sur un leader, et c’est justement quelqu’un d’extraordinaire dans ce rôle-là. Il fait son travail avec beaucoup de calme, de perspicacité. Il est tellement confiant en lui qu’il est aussi capable de dire qu’il ne sait pas, quand ça lui arrive. C’est une chose rare, et difficile pour un réalisateur qui travaille avec un aussi gros budget… Et puis, qui d’autre que lui aurait osé faire un film d’action de 135 millions de dollars ayant pour héros deux hommes qui jouent des duos de violon-violoncelle?"

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Capitaine Crowe
Né en Nouvelle-Zélande et d’origine maorie, Russell Crowe (A Beautiful Mind [2002], The Insider [1999], L.A. Confidential [1997]…) a grandi en Australie où il vit désormais avec son épouse, l’actrice et chanteuse Danielle Spencer. Récipiendaire d’un Oscar pour son interprétation dans Gladiator (2000), il a vu sa carrière monter en flèche dans les dernières années. On le retrouve cette saison aux commandes d’un imposant vaisseau. "Je ne pouvais penser à personne d’autre que Russell pour interpréter cette figure de leader charismatique", explique le réalisateur Peter Weir. Entretien.

Dans le film, le personnage que vous incarnez joue du violon. Comment avez-vous mis au point votre performance?
"J’ai beaucoup travaillé là-dessus, notamment avec Richard Tognetti, grand violoniste et chef d’orchestre de chambre australien. Je me suis dit que si je n’arrivais pas à faire sortir un joli son de cet instrument, je ne pourrais jamais prétendre que j’étais bon musicien… Alors j’ai appris à jouer quatre morceaux en tout. Un apprentissage long et difficile, même si au final ils n’en ont gardé que quelques petites parties."

Tous ces défis que vous avez à traverser, que ce soit apprendre le violon ou vous entraîner physiquement pour un film, est-ce que c’est ce qui vous motive à jouer?
"Je considère que c’est un privilège de faire de la recherche pour mettre en place son personnage, prendre le temps de s’imprégner d’un rôle. Ce n’est pas une nécessité, je ne suis pas en train de préconiser une méthode plus qu’une autre. Mais pour moi, ce qui compte, c’est de savoir que plus je me suis investi, plus j’ai fait de lectures, de recherches sur mon personnage, la période historique, plus l’expérience du public sera forte…"

Est-ce que ce n’est alors pas un peu frustrant de voir que ce que les médias véhiculent sur vous ne s’attache pas nécessairement à ce travail, mais souvent à des badinages? En arrivez-vous à vous dire que vous en avez assez de tout ça?
"Oui, des fois… Ça me traverse l’esprit, et celui de ma femme aussi. Mais en même temps, j’ai décidé de ne plus réagir à tout ça. J’essaie de passer outre, parce que je pense qu’avec le temps, ce que je fais, le corps de mon oeuvre et de qui je suis, sera plus fort que la quantité de bêtises déblatérées à mon sujet."