Gothika : Réveil brutal
Honnêtement, on ne s’attendait pas à grand-chose de ce film de commande tourné dans l’ancien pénitencier de Saint-Vincent-de-Paul avec les gros sous de Hollywood par le réalisateur français Mathieu Kassovitz. Toutefois, on espérait secrètement que ce thriller paranormal nous cloue sur notre chaise, nous fasse frissonner, comme l’habile The Ring l’an dernier, et nous offre une finale inattendue à la The Sixth Sense. N’y retrouve-t-on pas d’ailleurs tous les éléments propres au genre? Une victime honnête et courageuse que personne ne croit, dans le cas présent, une psychiatre (Halle Berry) accusée du meurtre sordide de son mari; une présence fantomatique tourmentée et vengeresse; et, bien sûr, une atmosphère glauque à souhait. Malheureusement, ce ne sont pas seulement les effets-chocs qui font les bons films d’horreur: un récit qui tient la route, des revirements-surprises et des personnages complexes – parlez-en à Penélope Cruz et à Robert Downey Jr., qui n’ont rien ou si peu à se mettre sous la dent dans les rôles de la folle de service et de l’ami fidèle -, voilà ce qui manque cruellement à Gothika. À preuve, même la mise en scène, par moments inspirée, de Kassovitz et tout le bon vouloir de la pauvre Halle Berry, qui se débat littéralement comme un diable dans l’eau bénite, n’arrivent pas à racheter le scénario aussi incohérent que prévisible de Sebastian Gutierrez (Judas Kiss). En fait, ce n’est pas tant le dénouement de l’intrigue, télégraphié dans la première demi-heure, qui nous intéresse, mais bien ce qu’il advient du réalisateur de La Haine. Touché trop tôt par la grâce, le Kassovitz? Ne serait-il pas temps qu’il digère l’échec retentissant d’Assassins? Il n’y a pas de mal à se tourner vers les films de genre – Polanski et Kubrick l’ont fait avec génie -, mais chez Kassovitz, l’exercice semble un amer prétexte qui lui permet d’exploiter la violence avec complaisance, sans y apporter une quelconque réflexion, tel qu’il l’avait fait avec le décevant mais néanmoins musclé drame policier Les Rivières pourpres. Privé des services d’un bon scénariste, l’acteur-réalisateur démontre ici tout le talent qui l’anime en faisant preuve d’imagination et d’audace. Du même coup, il nous fait regretter ce qu’il a déjà incarné dans le cinéma français. C’est pour quand le retour au cinéma d’auteur, Kasso?
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