Lucie de tous les temps : Résister à chaque époque
Cinéma

Lucie de tous les temps : Résister à chaque époque

Lucie Aubrac est "une jeune femme de 89 ans", note joliment la voix off de Julie Perron, la réalisatrice de ce très touchant documentaire. C’est dans un ascenseur parisien que débute le film parce que c’est là qu’est née l’idée de ce portrait. La jeune Québécoise y fait par hasard la connaissance d’une vieille dame aux cheveux tout blancs, à l’intelligence pétillante et d’une vitalité époustouflante. Ce n’est qu’un peu plus tard qu’elle découvre qui elle est vraiment: une célèbre héroïne de la résistance. Elle a, entre autres exploits, libéré son mari Raymond Aubrac, aussi résistant, des griffes de la Gestapo dirigée par Klaus Barbie. Elle a fait s’évader près d’une quinzaine de compatriotes et caché dans sa campagne de nombreux juifs. Toujours sous l’occupation nazie, elle a fondé un mouvement clandestin et le journal Libération. Mais, à l’inverse de Claude Berri qui a fait de son histoire le sujet d’un film, la cinéaste québécoise a tout d’abord voulu s’intéresser à la femme derrière le personnage. Et c’est tant mieux car on sent qu’entre elles le courant passe. C’est dans une atmosphère de chaude intimité, accentuée par la très jolie musique originale de Jérôme Minière, qu’elle se confie. Elle parle de ses parents, de son enfance dans les vignes de la Bourgogne, de la guerre qu’elle combattit sans relâche, des valeurs fondamentales qui l’ont guidée toute sa vie, mais surtout de l’amour: celui pour la famille, les amis, et celui qui perdure depuis 63 ans pour son mari. Elle affirme, le sourire aux lèvres, que pour elle, le bonheur est une succession de petits bonheurs renouvelables, comme "prendre un verre de whisky avec des copains, même si eux ont à la main des verres de flotte"! À la fin du film, elle raconte que pendant la guerre, elle allaita un nourrisson affamé dont les parents avaient été déportés: "Jamais on ne peut connaître quelque chose d’aussi complet, d’aussi merveilleux qu’un enfant au sein. (…) C’est le vrai sens de la vie." Des images d’archives viennent régulièrement faire résonance au présent et nous rappellent qu’étant historienne, Lucie Aubrac est habitée par l’histoire autant qu’elle en fait partie intégrante. Le film nous la fait suivre un peu partout dans l’Hexagone, où elle donne des conférences dans les écoles, transmettant aux jeunes son message d’espoir, mais aussi de prudence. En leur montrant une étoile jaune de David, elle les met en garde contre le racisme et l’intolérance. C’est la gorge nouée qu’elle leur fait promettre de ne jamais oublier le sens des mots "liberté, égalité, fraternité", qui ne sont pas pour elle qu’une maxime sous un drapeau. Puis elle repart en TGV, son agenda aussi chargé que celui d’une politicienne en campagne électorale. Mais Lucie Aubrac n’est d’aucun parti ni d’aucune religion, elle est une mémoire vivante des erreurs du passé et une source intarissable de sagesse pour l’avenir. Ce film très bien réalisé est un petit bijou qui nous va droit au coeur. Il nous parle tout simplement d’une femme exceptionnelle, d’une grande humanité, pour qui la résistance a sa raison d’être de tous les temps, de toutes les époques.

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