Anything Else : Retour vers le futur
Qui aurait cru qu’un jour Jason Biggs, figure de proue de l’inepte trilogie American Pie, deviendrait l’alter ego de Woody Allen? C’est pourtant ce qui arrive dans Anything Else, nouvel opus de ce bon vieux Woody qui, bon an, mal an, signe une oeuvre, majeure ou non, où il traite inlassablement d’histoires de couples dans le registre et le genre qui l’inspirent. D’un film à l’autre, hormis quelques rares exceptions, on reconnaît la griffe spirituelle de l’auteur, la souplesse de la réalisation, New York photographiée amoureusement ainsi que ces vieux airs de jazz et de blues qui nous bercent d’une scène à l’autre. Pas de doute, Anything Else s’inscrit bien dans le parcours du cinéaste, tant par sa forme que par son essence. Mais cette fois, Allen laisse la part belle à la jeune génération. Autres temps, autre moeurs: Jason Biggs hérite du rôle de l’écrivain juif et névrosé… Et la chanteuse Diana Krall se paie une petite incursion au cinéma le temps d’une chanson. Allen serait-il à la recherche d’un nouveau public?
Entre une visite chez le psy (William Hill) et une balade dans Central Park avec son mentor David Dobel (Allen), Jerry Falk (Biggs), un scripteur de numéros humoristiques aux prises avec un agent incompétent (Danny De Vito), vit une relation amoureuse peu reposante avec Amanda (Christina Ricci), mignon petit bout de femme bourré de complexes et de contradictions. Aspirante chanteuse et comédienne, cette dernière refuse depuis des mois d’avoir des relations sexuelles avec Jerry, incarnation vivante du "trop bon, trop con". Les choses ne s’arrangent guère quand la mère d’Amanda (Stockard Channing), une has been qui refuse de vieillir, s’incruste dans le décor. Chassés-croisés amoureux, maîtresses irrésistibles, figures maternelles envahissantes et angoisses existentielles: tous les ingrédients pour réussir une petite comédie sentimentale bien piquante! Cependant, il y a quelque chose qui cloche…
Après avoir installé le jeune couple, Allen semble ne savoir que faire de leurs déboires conjugaux, qui se transforment en marivaudages presque aussi inoffensifs que chez Edward Burns (Sidewalks of New York), aspirant au trône du réalisateur de Manhattan. Sans les agissements surprenants d’Amanda, le couple dépeint ici ne s’avérerait qu’une pâle copie de tout ce qu’on a vu et revu chez Allen. On est bien loin de Hannah and Her Sisters ou de Husbands and Wives… De plus, les intrigues secondaires concernant la belle-mère et l’agent de Jerry manquent de substance et ralentissent le récit plutôt que de l’enrichir. Restent des moments savoureux et des acteurs plutôt en forme. Appliqué à reproduire toutes les idiosyncrasies de Woody Allen, Biggs tire honorablement son épingle du jeu; toutefois, lorsqu’il se tourne face à la caméra pour commenter l’action, son regard se fait vide, comme si le personnage lui échappait. À ses côtés, Christina Ricci interprète avec brio une adorable petite garce que l’on se plaît à détester. Quant à ce cher Woody, il s’avère aussi amusant qu’inquiétant dans le rôle inattendu d’un paranoïaque obsédé par les armes à feu. Somme toute, un Annie Hall en mode très mineur, mais néanmoins réjouissant.
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