Les Héritiers du mouton noir : De mouton noir à mouton blanc?
Cinéma

Les Héritiers du mouton noir : De mouton noir à mouton blanc?

Au début des années 90, le cinéaste Jacques Godbout réalisait l’excellent documentaire Le Mouton noir, un témoignage historique fascinant qui, tel un vin de qualité, s’est bonifié avec le temps. À l’époque, il avait voulu fixer sur pellicule le climat d’effervescence politique qui régnait au Québec à la suite de l’échec de l’Accord du lac Meech et de la création de la Commission Bélanger-Campeau. L’horizon laissait alors poindre une souveraineté rayonnante. Mais comme le commentait le cinéaste sur des images de Fête nationale: "La fête a lieu le 25 juin, car hier, il y avait menace de pluie. Les Québécois sont prudents."

Onze ans plus tard, que sont devenus le Québec et les héritiers du mouton noir? On retrouve dans cet épilogue les jeunes loups passionnés de politique et avides de changement que l’on avait découverts dans Le Mouton noir: Jean-François Simard, Joseph Facal, Denis Coderre, Mario Dumont et Michel Bissonnette. À travers leurs propos, Godbout dresse un bilan et un état des lieux alors que, comme l’affirme Joseph Facal, un chapitre se referme puisque les générations qui ont fait la Révolution tranquille prennent tour à tour leur retraite. Il ajoute qu’avec le passage du temps, les colères s’atténuent et de nouveaux électeurs arrivent, pour qui faire l’indépendance n’a plus le même sens. En fait, le coeur du film se trouve là: la soif de changement d’un Québec confronté à des propositions dans lesquelles il ne se reconnaît plus.

C’est encore une fois une oeuvre achevée que nous offre Jacques Godbout (beaucoup moins longue que la précédente), qui s’adresse à un public averti et politisé. Le récit du documentaire débute un peu avant les élections d’avril 2003 et se termine quelques semaines après. Afin de dresser des ponts entre hier et aujourd’hui, Godbout pige dans les scènes du premier film. On est ainsi frappé par les propos que tenait Michel Bissonnette, alors chef des jeunes libéraux, répondant à la question: "Où te vois-tu dans 10 ans?" Il disait espérer ardemment être toujours aussi militant. Aujourd’hui producteur chez Zone 3 (producteur de Bunker), il confesse avoir un niveau d’intérêt beaucoup moins élevé pour la chose politique. Denys Arcand, aussi présent dans Le Mouton noir, interviewé sur le plateau de tournage des Invasions barbares, avoue également s’intéresser de moins en moins à la politique, tout comme les personnages de son film. Joseph Facal quitte son poste de ministre d’État à l’Administration et à la Fonction publique afin de se consacrer à sa famille et Jean-François Simard souhaite faire de la coopération internationale. Quant à Mario Dumont, il se remet tant bien que mal d’une cuisante défaite. On est bien loin de l’énergie et de la fougue politique qu’ils manifestaient tous en 1992. Quoique Denis Coderre, dans une séquence d’anthologie, nous explique l’analogie entre la boxe et la politique sur des images où, tout en sueur, il boxe au ralenti vers la caméra. Oui, à le voir se démener ainsi, le Canada, lui, semble bien se porter…

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