Evgeni Tomov : Ambiance rétro
Entre les Sommets du cinéma d’animation à la Cinémathèque québécoise, un peu plus tôt ce mois-ci, et l’arrivée sur nos écrans des Triplettes de Belleville, décembre nous gâte. Signé Sylvain Chomet (La Vieille Dame et les Pigeons), ce nouveau dessin animé rétro (principalement destiné à un public d’adultes et d’adolescents) est un pur délice. Entretien avec le chef décorateur: EVGENI TOMOV.
Champion, un jeune orphelin, vit avec sa grand-mère Souza dans un quartier populaire de la France d’après-guerre. Voyant son petit garçon en proie à la tristesse, celle-ci décide de lui offrir une bicyclette. Commencent alors des années d’entraînement à coups de sifflet dans les rues grises de la ville. À force de travail, Champion finit par arpenter les routes du prestigieux Tour de France. C’est là qu’il se fait kidnapper par de mystérieux malfaiteurs. À bord d’un radeau de fortune, la petite grand-mère et son vieux chien partent alors à sa rescousse. Ils larguent les amarres à Belleville, lieu imaginaire entre New York, Paris, Montréal et Québec. Sous un pont gigantesque, Souza fait la rencontre des Triplettes: trois reines du music-hall des années 30. À la suite de savoureuses dégustations de grenouilles et de cocasses performances musicales, cette fabuleuse équipe s’élance sur les traces du disparu.
"J’étais un peu sceptique quant à la façon dont le film serait accueilli en Amérique du Nord, raconte Evgeni Tomov. Parce que ce n’est pas vraiment le format ou l’esthétique auxquels le public d’ici est habitué. Le style de Sylvain Chomet est particulier… Il est proche de la bande dessinée, que ce soit au niveau de la forme, du graphisme, des palettes de couleurs. Je ne pense pas qu’on ait voulu suivre ou imiter des exemples de longs-métrages d’animation déjà existants. En tant que chef décorateur, j’ai plutôt été inspiré par des films comme La Cité des enfants perdus ou Delicatessen, notamment sur le plan de la lumière… Je voulais donner un sens du monde réel, sans que ce soit pour autant réaliste."
Pour ce faire, une attention particulière a été portée aux détails. "Que ce soit les fissures dans les murs, les fils électriques, les interrupteurs, la vieille tapisserie arrachée… Même si on ne les remarque pas toujours, ces petites choses ont un impact sur le spectateur. Elles créent ce sentiment d’un monde qui existe vraiment."
Accompagné de la superbe trame musicale de Benoît Charest (qui reste en tête des heures durant), Les Triplettes nous plonge dans un climat de douce mélancolie faisant un clin d’oil à l’humour de Tati. Evgeni Tomov explique: "Je voudrais que les gens abordent ce dessin animé avec un esprit ouvert, qu’ils ne s’attendent pas à voir ce à quoi ils sont habitués. Ils pourraient par exemple être déçus que le film soit muet… Mais en même temps, on n’avait pas besoin de dialogues. Les choses se racontent d’elles-mêmes à l’écran. C’est important que les adultes apprennent à apprécier le cinéma d’animation, qu’ils comprennent que ce n’est pas un genre réservé aux enfants… C’est un médium particulier, à travers lequel on peut très bien être subtil."
Chose réussie. Virtuosité du rythme, charme des décors, finesse de l’humour nous envoûtent littéralement. Une petite merveille.
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