Entretien avec Brigitte Paquette et Véronique Bannon : Les dangereuses
Après avoir tenté de faire frissonner les amateurs de films d’horreur en octobre dernier avec Sur le seuil, le réalisateur Éric Tessier récidive trois mois plus tard, dans l’espoir cette fois de nous dilater la rate, avec son deuxième film, Vendus, comédie noire à l’esthétique gogo où deux femmes fatales mènent le bal. Entrevue avec les comédiennes BRIGITTE PAQUETTE et VÉRONIQUE BANNON.
Tout le monde l’a dit et répété ad nauseam: 2003 a été une année fabuleuse pour le cinéma d’ici – et là, on ne parle pas de rentabilité, mais bien de qualité. Cette belle lancée se poursuivra-t-elle encore bien longtemps? Croisons-nous fermement les doigts, car si Sur le seuil a marqué à sa façon le paysage cinématographique québécois en s’y inscrivant comme le premier thriller paranormal de l’histoire, Vendus fait craindre un retour aux comédies burlesques des années 70 à la Y a toujours moyen de moyenner. Adieu veau, vache, cochon, couvée? Ne soyons pas si pessimistes… Après tout, l’année est encore bien jeune. Et comme le dit si sagement Brigitte Paquette, jointe au téléphone: "Tout est à venir en cinéma au Québec, tout est en développement."
L’agent fait la farce
Tourné en seulement 19 jours avec un budget équivalant au tiers de celui accordé à Sur le seuil et la technologie DV Cam, Vendus met en scène Jacqueline Renaud (Paquette, mordant à pleines dents dans l’un de ses rares rôles comiques), agent immobilier à l’aube de la quarantaine, qui constate avec amertume que la vie qu’elle partage avec Michel (Serge Thériault, au-dessus de ses affaires), son fainéant de mari, n’a rien de bien excitant.
S’appuyant sur le récit de Jean-Vincent Fournier, scénariste et story editor prolifique pour la télé (Hommes en quarantaine, The Hitchhiker, etc.), Éric Tessier explore un univers que connaissent bien Quentin Tarantino et Guy Ritchie. Un genre peu exploité par les réalisateurs québécois et avec lequel a flirté, avec plus ou moins de bonheur, Érik Canuel dans La Loi du cochon: "Ce n’est pas de la grosse psychologie profonde, c’est léger. Je suis très curieuse de l’effet que ça va faire, commente Brigitte Paquette. C’est nouveau et peu répandu. Il y a un chemin à faire dans l’imaginaire du monde pour que ce genre soit accepté. Je pense que c’est un film qui est plaisant à regarder, qui est drôle. Bon, ce n’est pas un film que l’on porte en soi pendant des mois après l’avoir vu, mais c’est distrayant." Véronique Bannon renchérit: "C’est une comédie noire qui n’a rien à voir avec Les Invasions barbares ou La Grande Séduction. On ne sortira pas du cinéma avec une grande réflexion, il faut le voir comme un divertissement."
Malgré le loufoque des situations, l’énergie des comédiens et la réalisation vivante, on s’ennuie plus qu’on ne s’amuse à cause du manque de rebondissements, du rythme hésitant et des effets de style trop appuyés. Est-il vraiment nécessaire de faire entendre de gros ronrons dès que Bannon s’approche de la caméra? Et pourquoi toutes ces chansons de Margot Lefebvre mur à mur? On veut donner dans le kitsch?
Demeure toutefois une interprétation décalée qui s’avère rafraîchissante: "Je n’ai pas abordé mon personnage de façon particulière, explique Brigitte Paquette. Je me suis dit que c’était l’une des premières fois que l’on m’offrait de jouer dans une comédie, et la seule façon de mettre toutes les chances de mon côté était de rester authentique. Alors peu importe ce que je joue, comique pas comique, il faut que cela soit vrai. Je l’ai donc abordé de façon réaliste en me demandant comment je réagirais si j’arrivais face à face avec un tueur en rentrant chez moi; je n’ai pas du tout pensé à l’effet comique."
Drôles de dames
Pour Brigitte Paquette, qui a dû passer plusieurs heures ligotée à une chaise – "C’était assez difficile, raconte la comédienne, je ne pouvais pas me libérer souvent de mes liens à cause de la continuité. Même si j’étais bien traitée, le corps a envie d’être délinquant. Je me sentais claustrophobe! Mais tout de même, ça m’a donné envie de faire d’autres comédies" -, l’expérience a été enrichissante grâce à la générosité et la disponibilité du réalisateur: "C’est très rare, cette ouverture d’esprit. Grâce à cette qualité, j’avais l’impression d’être une participante au processus et non une exécutante." Même son de cloche chez Véronique Bannon, très nerveuse les premiers jours du tournage puisqu’il s’agissait de son premier film: "Ç’a été une très belle rencontre, il m’a aidée à aller jusqu’au bout et j’avais une confiance aveugle en lui. Je me suis laissée aller complètement. Il m’a vraiment donné confiance en moi. C’est un beau cadeau."
Pour le public aussi? "Bien des gens nous comparaient aux Dangereux, avoue en riant Véronique Bannon. Je ne trouve pas que Vendus ressemble à ça, mais je pense qu’il faut oser dans cette voie et les gens vont s’habituer, tranquillement pas vite, à de nouveaux genres, tout en continuant à apprécier les films à réflexion. On a besoin de tous les styles." Elle a bien raison, mais encore faut-il les maîtriser. Enfin, au cas où cela vous inquiéterait, notez que Vendus se rapproche davantage de La Loi du cochon que des Dangereux.
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